Max Jacob est sans nul doute la figure la plus originale produite par la société quimpéroise des années 1900. Si l'on connaît bien l'histoire personnelle et le destin tragique de l'auteur du Terrain Bouchaballe, l'histoire des ancêtres de Max Jacob, de leur arrivée à Quimper, celle de ses frères et sœurs reste encore entourée de beaucoup d'incertitudes et d'approximations sinon de mystères. Max Jacob parlait finalement assez peu de sa famille.
Les fonds d'archives conservés par la ville de Quimper permettent de verser quelques modestes éléments de réponses à ce dossier.
Le grand-père paternel de Max Jacob né Samuel Alexandre est de nationalité allemande et de confession juive. Né à Neunkirchen en Rhénanie, probablement en 1811, il est le fils de Lazare Alexandre et de Julie Bernheim selon sa déclaration d'étranger faite en 1888. Samuel Alexandre est un commerçant venu chercher fortune en France. De ces commencements peu ou pas de certitudes, sinon qu'il épouse Myrthé Léa Mayer, née vers 1816 ou 1817.
Une première enfant naît à Paris en 1846. Elle est prénommée Julie. En 1847, la famille s'agrandit avec la venue d'un premier fils, né à Tours, il est prénommé Lazare Jacob Alexandre et deviendra le père de Max Jacob. Après Paris puis Tours, la famille Alexandre s'installe à Lorient ou un second fils, Maurice Alexandre voit le jour en 1850.
La famille du grand-père de Max Jacob ne figure pas dans le recensement de la population de la ville de Quimper de 1851 ni dans celui de 1856. Nous savons déjà qu'un enfant naît à Lorient en 1850. Le premier témoignage que nous conservons de leur présence à Quimper est une réclame parue dans le journal Le Quimpérois du 21 novembre 1860. L'installation des Jacob ou Alexandre à Quimper peut donc être raisonnablement arrêtée à la période ouverte entre 1857 et 1859.
Plaque apposée sur la maison natale de Max JacobLes Jacob sont désormais à la tête d'une maison de commerce de tissus « La belle jardinière » tenue sous la raison sociale "A. Jacob et Cie". Qui se cache sous cette appellation « et Cie » ? Les Jacob ont des proches parents à Lorient où ils s'installent dans un premier temps. C'est très certainement un frère ou un oncle qui travaille en association avec le grand-père Samuel Alexandre dit Jacob.
D'après le recensement de 1861, la famille habite déjà au 8, de la rue du Parc, immeuble bourgeois situé dans une rue à la mode. Le foyer se compose alors de Jacob Alexandre, marchand tailleur, âgé de 48 ans et chef de ménage, de Myrthé Mayer, sa femme, âgée de 43 ans, de Julie Jacob, leur fille âgée de 15 ans, de Maurice Jacob, 11 ans et de Lazare Jacob autre fils, de 14 ans. Le ménage emploie également une domestique du nom d'Anne Goïc, âgée de 24 ans.
Lancés dans le commerce de l'habillement et de la confection sur mesure les Jacob deviennent bientôt des artisans réputés, fournissant la ville et la campagne, les militaires et les administrations. Leur réputation franchit rapidement les limites de la Bretagne.
En 1867 lorsque le comité de sélection de l'exposition universelle souhaite exposer des costumes traditionnels des provinces françaises et notamment de Bretagne., les organisateurs font appel à un certain Monsieur Jacob, marchand tailleur de Quimper.
Homme de PloaréLe journal de l'exposition universelle précise encore :
« ... Pour la Bretagne, le Comité a eu la bonne fortune de trouver à Quimper un tailleur breton, Monsieur Jacob, dont la maison est comme le dernier bastion de l'originalité. C'est de cette maison que sont sortis tous les costumes admis à l'Exposition ; et leur fidélité est cent fois garantie. J'ajouterai à l'éloge de Monsieur Jacob, que tout en sauvegardant les intérêts artistiques, il n'a pas privé l'ouvrier breton des avantages économiques que l'industrie moderne assure aux travailleurs : la confection des vêtements bretons, coutures principales et ornements brodés est généralement confié aux hommes. »
C'est ainsi que des costumes de Scaër, de Ploaré, de Pont-L'Abbé, de Kerfeunteun, d'hommes et de femmes, tous sortis des ateliers Jacob, sont exposés à Paris et reçoivent un accueil très favorable qui valent à Samuel Alexandre dit Jacob une médaille d'argent.
L'enseigne Jacob, Au Bon Marché (1886)Par la suite Samuel Alexandre développe à Quimper avec ses fils et principalement Lazare l’affaire familiale en créant au 24, de la rue du Parc une succursale, où l'on travaille désormais à la confection : « Le Bon Marché ».
Pendant la guerre de 1870, Lazare Jacob Alexandre s'engage dit-on dans les volontaires mobiles bretons bien que l'on ne retrouve hélas pas son acte d'engagement dans les registres de volontaires de Quimper. Il obtiendra par la suite la nationalité française.
En juillet 1871, Lazare Jacob dépose à la mairie de Quimper une demande de passeport pour l'intérieur, document indispensable pour pouvoir circuler d'un département à un autre, dans la France du XIXème siècle.
Femme de ScaërLe passeport précise la profession de commerçant du sieur Jacob et sa destination : Paris. Il est alors âgé de 24 ans, mesure 1 m 56, cheveux, sourcils et barbe noirs. Le front est découvert, le teint du visage est brun, nez aquilin, les yeux sont noirs.
Il quitte en fait la Bretagne pour convoler en juste noce avec Prudence Jacob, née à Paris en 1849. Sa mère et sa sœur Julie le rejoignent quinze jours plus tard dans la capitale.
Les années 1872 à 1884 sont ponctuées par les naissances des enfants du couple :
Julie Delphine Alexandre naît en 1872. Elle travaille dans le commerce familial puis s'associe avec son frère Gaston dans le commerce d'antiquités. Elle décède en 1942 à Quimper.
Maurice voit le jour à Quimper en 1874. Il fait quant à lui une belle carrière dans l'administration et devient receveur de l'enregistrement. Surnommé par ses proches l'Africain, il meurt sans alliance en 1932.
Gaston Jacob naît en 1875, à Lorient. Il travaille avec son père dans le magasin de la rue du Parc puis dirige avec sa sœur Delphine, un magasin d'antiquités. Victime des persécutions antisémites, il est arrêté à Quimper et déporté. Il meurt à Auschwitz en 1943.
Max Jacob, poète, peintre et homme de lettres est le quatrième enfant du couple. Né en 1876, arrêté et interné au camp de Drancy, antichambre des camps de la mort. Il y meurt le 5 mars 1944.
Passeport Myrthé Jacob Jacques Jacob Alexandre voit le jour en 1880, il parvient semble t'il à échapper aux persécutions nazis et décède en 1960 à Issy-Les-Moulineaux.
Myrthé Léa Jacob deuxième sœur de Max Jacob naît en 1884 à Quimper. Comme son frère Gaston, elle est victime des nazis et disparaît à Auschwitz le 25 janvier 1944.
Suzanne Alexandre naît en 1887, dernier enfant du couple, elle décède la même année, âgée d'un mois et vingt jours. Max Jacob n'en a, nous le croyons, jamais fait mention.
Ainsi, 3 des 7 enfants tomberont victimes de la barbarie nazie. Aucun des sept enfants du couple ne laissera de descendance.
Le grand-père paternel de Max Jacob, Samuel Alexandre, devenu veuf, vient à nouveau s'installer à la fin de sa vie auprès de son fils Lazare. Il se fait enregistrer comme étranger à la mairie de Quimper le 19 décembre 1888 et s'y déclare de nationalité allemande. Mais il ne peut signer sa déclaration en raison de son mauvais état de santé. Il meurt chez son fils le 18 juin 1889.
La Belle JardinièreLazare Jacob, après de longues années passées à la tête de son commerce, abandonne la profession de tailleur en liquidant ses deux affaires en 1913. Il est âgé de 67 ans et se sentant fatigué cède par acte sous seing privé le fonds de commerce de ses deux magasins, « La Belle Jardinière » (draperies et vêtements sur mesure) et « Le bon marché » (confection) à un sieur Chevreau, négociant et juge au tribunal de commerce de Vannes. Il n'arrête cependant pas toute activité après cette liquidation. Dès 1914, il établit, toujours au 8, rue du Parc, un commerce de curiosités que l'on désignera bientôt sous le nom d'antiquités. Il exerce cette activité jusqu'à sa mort en 1917. Sa veuve reprend alors le magasin.
L'acte de naissance de Max Jacob atteste que si l'artiste quimpérois fut bien prénommé Max Jacob, son patronyme, comme celui de ses frères et sœurs, était bien ALEXANDRE jusqu'au jugement modificatif de 1888.
Son père Lazare Alexandre, son grand père, Samuel utilisaient dans la vie quotidienne le nom de Jacob. Les Alexandre étaient donc souvent connus sous le nom de Jacob par leurs clients et fournisseurs. Samuel Alexandre se fait appeler Samuel Jacob lors du recensement de 1861. Ses enfants y sont tous enregistrés sous le patronyme de Jacob. Lazare souhaita probablement officialiser ce changement de nom. Par jugement rendu par la Chambre civile du tribunal de Tours en date du 21 juin 1888 les Alexandre devinrent ainsi des Jacob.
Max Jacob ALEXANDRE devint alors simplement Max JACOB.
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