Les chantiers navals en bois n'ont bien souvent laissé que fort peu de trace dans les archives.
Les raisons en sont généralement bien connues.
La construction des bateaux se faisait traditionnellement en plein air. Les bâtiments en dur se trouvaient donc réduits à leur plus simple expression : simple cabane à outils et parfois une forge. L'essentiel du terrain étant généralement dédié au stockage du bois et au chantier de construction lui-même.
Ces entreprises généralement modestes et familiales n'occupèrent généralement qu'à titre précaire des bandes de terrains littoraux dépendant du domaine maritime, public et inaliénable. L'administration maritime était en droit de faire expulser ces chantiers sans dédommagement.
Enfin, les méthodes et les techniques utilisées à cette époque pour la construction de petites unités n'impliquaient que très peu de production d'archives papiers ou de plans.
Le souvenir des charpentiers de marine et des constructeurs qui oeuvrèrent à Quimper ne pouvait donc que s'estomper dans une ville administrative et commerçante qui regarda longtemps avec un certain dédain, l'ensemble des populations maritimes qui fréquentaient son port.
Quand bateaux et constructeurs disparurent du paysage, il ne resta bientôt plus d'eux qu'un souvenir de plus en plus confus dans la mémoire collective.
Les archives municipales de Quimper conservent néanmoins un certain nombre de pièces d'archives qui témoignent à leur manière de l'existence d'une longue activité navale dans l'ancien port.
L'espace dédié à la construction navale à Quimper a toujours été limité.
En toute évidence les chantiers navals s'implantent dans les ports. Mais le site portuaire de Quimper est fluvial. L'Odet, dans sa partie urbaine, est largement canalisé et borné sur les deux rives par de hauts quais qui rendent les lancements de navires quasi-impossibles sauf à utiliser les cales.
L'Odet est peu profond et étroit ce qui rend difficile la remonté de navire de forts tonnages pour réparations. Les chantiers furent repoussés soit à la limite du port de Quimper : sur le chemin de halage qui n'était encore que partiellement élevé ou sur un terrain vague municipal situé au bout de Locmaria, face à la rue Froide, soit sur la cale Saint-Jean qui « de temps immémorial avait la destination voulue par l'ordonnance de 1681 ».
La cale dont il est question est d'ailleurs élargie vers 1818-1819 pour la rendre plus convenable à la construction des navires.
Par ailleurs, les manufacturiers et faïenciers Quimpérois à Locmaria avaient eux même grand besoin de terrains pour le stockage des fagots de bois nécessaires à l'alimentation des fours de leurs fabriques. Le port et la rivière en 1857. Tableau d'Eugène Boudin
Ils ne désiraient donc pas voir l'installation de chantiers trop importants dans leur voisinage. Le feu utilisé pour le chauffage des bordages produisait des étincelles qui pouvaient avec le vent venir enflammer les fagots de bois sec stockés à proximité mais aussi le chaume qui couvrait encore à cette époque de nombreuses maisons de Locmaria. Une fabrique de chandelle, lieu éminemment inflammable s'y trouvait également dès 1830.
L'autorité militaire, en raison des dépôts faits dans les bâtiments de la manutention y était, elle aussi, peu favorable pour des raisons identiques.
Ainsi pour des motifs à la fois structurels et conjoncturels, l'espace dédié à l'activité navale resta t'elle toujours limitée à Quimper à un terrain devenu municipal à la Révolution et situé rue froide, à la cale Saint-Jean et du Styvel, ainsi qu'au bord du début du chemin de halage.
Lettre de Forster Emsley au maire de Quimper en 1816Le 18 décembre 1815, le sieur Samuel Emsley Forster sollicitait la jouissance à titre précaire d'un terrain vague situé à l'extrémité du faubourg de Locmaria afin d'y établir un important chantier de construction. C'était un ex-constructeur de vaisseaux de la glorieuse Compagnie des Indes de Lorient.
Son nom semble signaler une origine britannique voire Américaine. La Compagnie des Indes ayant disparu en 1797, le sieur Forster se retrouva sans emploi.
Il vient alors s'établir à Quimper Il loue une propriété privée pour y établir un modeste chantier de construction et de réparation navale. Mais en 1815 le propriétaire du terrain souhaita louer désormais le terrain à un particulier, un certain Sauvinet, receveur des Finances de Quimper, Forster Emsley se retrouva dès lors sans terrain. Il sollicita l’aide de la municipalité.
Le 9 mars 1816, le préfet approuvait l'arrêté du maire de Quimper autorisant le sr Forster Emsley à disposer à titre précaire du terrain vague de Locmaria et selon toute vraisemblance le chantier fonctionna un certain temps.
A la suite d'Emsley c'est un autre Lorientais qui apparaît à Quimper.
Paterne Le Goff est né à Lorient en l'An V de la République. C'est le fils Hervé Le Goff, charpentier de marine au port de Lorient. Vers 1830 il s'installe au port de Quimper. En 1831 il y épouse Thérèse Julie Hugou fille d'un négociant quimpérois. En 1840 Paterne Le Goff exerce toujours à Quimper et mérite désormais le titre de constructeur de bateaux sur les quais. Il est d'ailleurs à cette époque témoin au mariage de Pierre Craff, charpentier de marine, probablement employé dans ses chantiers.
En 1830 les sieurs Landurand et consorts obtiennent du préfet un arrêté daté du 21 décembre les « autorisant à laisser au dépôt formé en amont de la cale de Locmaria les pièces de bois marquées pour les constructions navales avec défense toutefois d'en déposer des nouvelles ».
En 1834, les principaux commerçants de Quimper incommodés par les bruits du travail des charpentiers de marine et l'odeur du goudron chauffé (coltar) demandent au maire et au préfet le déplacement du chantier de la cale Saint-Jean vers Locmaria. Deux pétitions circulent. Le préfet prend un arrêté allant dans ce sens contre l'avis contraire du maire de Quimper. Le maire de Quimper précise sa position au préfet le 20 octobre 1834. Dessin de Louis Le Guennec: bateaux de plaisance
« ...les pétitionnaires, ce me semblent, n'auraient pas dû s'arrêter à des allégations aussi futiles ni venir demander le déplacement d'une cale de construction parce qu'ils sont incommodés du bruit qui s'y fait depuis 7heures du matin jusqu'à 7 heures du soir et que leur odorat et leurs effets mobiliers sont très incommodés de l'odeur du goudron qui s'en exhale... »
La décision du préfet fut finalement reportée et l'utilisation de la cale Saint-Jean par les calfats et autres charpentiers de marine perdura au grand dam des pétitionnaires.
L'affectation de la cale Saint-Jean à titre temporaire explique la très courte existence de certains chantiers navals extérieurs qui s'installent à Quimper avec outils et personnels pour la seule durée d'un chantier.
Le 4 janvier 1835, le sieur J. Le Breton sollicite ainsi du maire de Quimper une autorisation lui permettant de construire pour le compte du sieur A. Michel, de Dinan, Côtes du Nord , deux navires sur la cale Saint-Jean.
A cette date les charpentiers de marine ont déjà été engagés et les pièces de bois livrées et préalablement travaillées. La construction devait être achevée dans un délai de quatre mois. Le chantier devait occuper la cale ainsi que 24 mètres de longueur du quai à partir de l'angle de la cale sur une largeur de 9 à 10 mètres.
Le port de Quimper vers 1875 Le 20 novembre 1836, les sieurs Jean-Guillaume et Charles Béléguic, constructeurs de navires à Quimper, rue Bourg les Bourgs, demandent et obtiennent de ne pas payer les droits d'octrois sur les bois de construction, menaçant en cas de refus de la municipalité, de quitter la ville de Quimper et d'établir ailleurs leur chantier naval. Ils obtiennent gain de cause de la mairie. Ce qui ne les empêche cependant pas de fermer leur chantier et de quitter la ville dès 1839.
Le 5 juin 1837, Jean-Marie Brien agent de MM Meillour et Royer, constructeurs à Lorient afferme pour un an et la somme de 60 francs un terrain communal situé rue froide quartier de Locmaria section A n°798 pour y établir un chantier de construction. (actes soumis à l'enregistrement de 1837).
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