En novembre 1839, le sieur Michel Le Bris de Douarnenez prend en sous-location pour une durée de 18 mois un terrain affermé par la mairie par acte en date du 6 mai 1838 au sieur Bourrassin.
Michel Le Bris s'est marié en 1812 à Concarneau avec Perrine Rosalie Riou. Il est alors qualifié de maître de barque. Sept enfants vont naître de cette union dont en 1817 le fameux Jean-Marie Le Bris, pionnier de l'aviation. En 1856 il parvient à faire voler un objet plus lourd que l'air (un planeur en forme de barque ailée nommée L'Albatros) sur une centaine de mètres.
En 1822, Michel Le Bris est nommé maître de quai à Douarnenez. Là s'arrêtent généralement les biographies officielles.Mais ce qui semble beaucoup moins connu, c'est que le père du pionnier de l'aéronautique, devint également constructeur de navires à Quimper.
Lettre de Michel Le Bris concernant le chantierLe terrain municipal qu'il choisit pour installer le chantier est borné au nord par la rivière, la rue froide et la propriété Eloury. Le bail prévoit l'autorisation donnée au sous-locataire d'y élever des constructions mais à l'expiration du bail toutes les constructions et ouvrages resteront la propriété de la commune sans qu'il puisse réclamer aucune indemnité. Astucieux, Le Bris se propose alors d'établir une cabane à outils sur roue afin d'échapper à cette clause.
L'idée inspira t'elle son fils Jean-Marie ?
Il était en tout cas clairement stipulé que Le Bris ne pouvait faire aucun travaux qui tendraient à l'envahissement des eaux de la rivière sur le terrain affermé (actes soumis à l'enregistrement 1838)
Lorsque le sieur Le Bris, fils aîné vient s'installer à Locmaria il n'arrive pas seul. Outre sa femme, Rosalie Riou, il est accompagné de ses enfants René, Jean-Marie, Michel, Henry, Théophile et Emile Le Bris. Une servante accompagne également la famille qui va demeurer rue de Pont-L'Abbé. L'équipe de charpentiers qui l'accompagne compte une petite quinzaine de compagnons.
Le chantier étant situé rive gauche et le domicile de Michel Le Bris et de ses employés étant sur l'autre rive, l'habitude est prise d'utiliser une barque pour franchir la rivière.Hors le passage du bac est un monopole affermé au passeur de Locmaria.
A cette époque (en 1840) Le sieur Delahubaudière, fabriquant de faïences, détient par suite d'une adjudication la ferme du bac. Il proteste donc vivement devant cette rupture de son monopole et entend obliger les ouvriers du chantier Le Bris à utiliser, contre versement d'une redevance, le bac du Treizour (passeur). Liste des ouvriers autorisés à utiliser une barque
L'affaire est portée devant le préfet qui prend finalement un arrêté en date du 24 février 1840 autorisant Le Bris à utiliser un bateau particulier pour se rendre à son chantier. Pendant plusieurs mois encore le fermier du bac va inonder les bureaux du préfet et du maire de lettres de protestations, sans plus de succès. Michel Le Bris ne figure plus sur les listes électorales postérieures à 1842. il a dès lors probablement quitter Quimper pour s'en retourner à Douarnenez.
Vers la même époque on signale un autre chantier de construction navale, cette fois près du chemin de halage dirigé par un sieur Bouteille.
L'une des grandes dynasties Quimpéroises de constructeurs de navires: les Craff
Situés sur le ha Le chantier Craff en 1830 lage les chantiers Craff ont été dirigés par trois générations de constructeurs de bateaux.
Hervé-Marie Craff était originaire de la commune de Penhars où il voit le jour en 1816, fils d'Hervé Craff, modeste journalier. Il s'établit à Quimper et y épouse en 1843 Marthe Louise Georget. Il est qualifié dans les actes officiels de charpentier de marine. Parmi les témoins assistant au mariage on remarque Paterne Le Goff, constructeur naval sur les quais. Il n'est pas impossible que Craff ait travaillé Lancement d'un bateau sortant du chantier Craff dans le chantier Le Goff à cette époque.
Son fils, Pierre-Marie Craff naît en 1852, au 24, rue de Pont l'Abbé. Après un engagement de 5 ans dans la marine il s'établit à son compte, la suite de son mariage avec Louise Bodénan, comme constructeur de bateau au Halage.
Sa succession est reprise par son fils Pierre, né le 6 mai 1882 à Quimper. Pierre Craff s'engage tout jeune homme comme volontaire dans les équipages de la flotte et en sort charpentier breveté en 1902. Constructeur de bateaux au bord du chemin de Halage. Il y construit de nouveaux hangars. Toujours en activité en 1946, Pierre Craff décéde à Quimper le 6 août 1950. De ses chantiers sont sortis des bateaux de pêche mais aussi de gracieux yachts de plaisances.
Une autre grande dynastie Quimpéroise de constructeurs de bateaux: les Camus
C'est en 1861 que Jean-Marie Camus, natif des côtes du Nord et charpentier de marine vient installer sa famille à Quimper. En 1858, il travaille à Landerneau. En 1860, on le retrouve avec sa famille à Port-Launay. L'année suivante, il vient s'installer à Quimper avec femme et enfants. Il s'y établit définitivement constructeur de navire en bois.
Dans un premier temps Il semble établir son chantier sur la rive droite, probablement à proximité du chantier Craff. La famille Camus demeure en effet rue de Pont-l'Abbé. En 1876, Jean-Marie Camus travaille avec ses trois enfants : Yves 19 ans, Baptiste 17 ans et Pierre, 16 ans, dans son chantier désormais installé dans la rue Froide. Son fils aîné, Gustave, effectue semble t'il alors son service militaire. Jean-Marie Camus est alors qualifié de constructeur de barques. Il semble donc que seules des barques de pêche de faibles tonnages aient été lancées par le premier chantier.
En novembre 1877 un incendie détruit le chantier et la maison Camus. Le feu prend dans des copeaux de bois stockés dans la partie servant d'atelier aux charpentiers. C'est probablement à la suite de cet incendie que le chantier se déplace vers le bord de la place du Styvel où est élevée la maison Camus.
Le chantier Camus à Locmaria En mars 1878, nullement découragé, Jean-Marie Camus fait en effet avec son fils des démarches auprès de la mairie de Quimper afin d'obtenir la jouissance d'un terrain municipal de 25 mètres de long sur 5 mètres de large situé sur la placitre près la croix de Locmaria qui servait habituellement à étendre des filets de pêche. Le chantier Camus se révélant alors insuffisant pour recevoir les bois de construction. Le Conseil municipal autorise la location dans sa séance du 8 mai 1878. Une enquête dite de « Comodo et incomodo » est ordonnée par le préfet en juin 1878. Vers 1880, Jean-Marie semble cesser son activité.
En février 1880, son fils aîné, Gustave Camus prend à son tour la direction des chantiers de son père à Locmaria. Il y travaille toujours avec ses frères. Le chantier occupe un petit terrain de 20 mètres de long donnant sur la rivière. Une association temporaire a pu exister en 1893 entre Gustave et Yves-Marie Camus car, cette année là, le recensement les qualifie tous les deux de « patron » et de « constructeur de bateaux ». Cette association cessa néanmoins rapidement.
Gustave Camus épouse la fille d'un chaisier de la rue Saint-Mathieu, Euphrasie Le Faou. Le train de vie des Camus est proche de celui de la petite bourgeoisie commerçante. (Emploi à domicile d'une domestique). A l'imitation de plusieurs familles aisées les chantiers Camus participent aux fêtes des cavalcades quimpéroises en réalisant, non sans talent, leur propre char.
Une enquête réalisée vers 1895 sur l'état de la main d'œuvre des ateliers, manufactures et fabrique de Quimper nous apprend que les chantiers de Gustave Camus, les seuls référencés à cette date employaient onze ouvriers (dont 3 apprentis de moins de 18 ans et huit hommes adultes). Il s'agit donc des plus importants chantiers de Quimper.
Les autres constructeurs ne font sans doute travailler qu'un ou deux compagnons. Certains charpentiers tels le sieur Guyader a pour habitude d'alterner des périodes où il s'établit comme propre patron à d'autres moments où il travaille comme simple ouvrier dans des chantiers plus importants.
Char de la famille Camus à la cavalcade de 1899 Les années 1900 sont pour Camus des années difficiles. En janvier 1905, des mouvements de grèves paralysent l'ensemble des entreprises de Quimper. Elles sont particulièrement suivies par les ouvriers du bâtiment et donnent lieu à quelques troubles. Le chantier Camus, bien que n'employant plus à cette époque que 8 ouvriers est lui aussi touché par ce mouvement. Rendant compte au maire de Quimper Gustave Camus a laissé le témoignage de cet épisode dans une lettre datée du 21 janvier 1905.
En 1906 Gustave Camus est toujours à la tête de ses chantiers. Son frère cadet Pierre Marie, charpentier de marine s'y trouve également employé. A la mêm Le Corentine époque le recensement de la population signale les noms d'autres ouvriers du chantier notamment Jean-Louis Hemery, menuisier, et Charles Burin, charpentier.
Il semble bien que l'activité du chantier ait cessé après 1910, dernière année où le sieur Camus figure dans les registres de patentes comme constructeur en activité.
En 1910 l'on trouve également mais ponctuellement Guyader, constructeur de navire rue Froide. Avec les Camus puis les Craff disparaissent les dernières grandes familles quimpéroises de charpentiers de marine en bois.
Il faut attendre 1991 pour assister à la construction et au lancement d'un navire en bois : le Corentin réplique d'un lougre de l'Odet du XIXème siècle.
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