Bien peu de Quimpérois connaissent aujourd'hui, et c'est fort dommage, l'histoire ancienne de leur port.
Au port de QuimperPourtant ce ne furent pas seulement les chasses marées, les lougres de cabotage, les sabliers et les pinardiers qui remontèrent l'Odet pour aborder aux quais du port aux vins du Cap Horn et de Locmaria. La Révolution puis le Premier Empire changèrent le visage du port de Quimper.
La guerre maritime où s'affrontent la France et la Grande Bretagne démontre la supériorité des escadres britanniques et oblige la marine française désorganisée par la Révolution à revenir à la guerre de course. Quimper devient un refuge et un port d'escale pour un grand nombre de navires corsaires armés à Audierne, Bénodet, Brest, Lorient et en premier lieu à Saint-Malo. Navires et marchandises pris sur l'ennemi sont vendus aux enchères sur les places et les quais de la ville.
Les corsaires faisant relâche réparent leurs avaries, viennent se ravitailler et compléter leurs équipages.
Bien que Quimper ne soit pas un port où habituellement des navires corsaires sont armés pour la course, les délibérations de la communauté de ville ont gardé la trace d'un corsaire armé au port de Locmaria par les armateurs Grooters et Segond en mai 1793.
Adrien Joseph Segond, armateur de L'EclairA cette occasion, une cérémonie est donnée pour le baptême du fameux corsaire.Un cortège escorté par un détachement de la garde nationale et précédé de la musique part vers trois heures de l'après-midi de la maison commune pour se rendre au port où un pavillon tricolore a été hissé à bord du corsaire.
Au bruit de l'artillerie et au son de la musique, le citoyen Grooters et la citoyenne Bouilly, parrain et marraine du navire lui ont donné le nom de L'éclair au bruit réitéré de Vive la République, vive la Nation !
Dès 1798, le navire britannique La Stone Maria pris par un corsaire français est conduit à Quimper pour y être mise en vente.
Prise faite par le corsaire L’EléonoreLes registres de correspondance du maire de Quimper signalent en 1811 les passages des navires corsaires L'Eléonore (capitaine Postel) et du Diligent. En mai 1812, l'Aigle de Saint Malo conduit à Quimper ces deux prises anglaises L'Elisa et le Granger.
En janvier 1813, le navire corsaire La Miquelonnaise de Saint-Malo fait escale à Quimper avec ses trois prises anglaises L'Alfred, le Commerce et l'Alerte. Il s'agit de trois bâtiments de commerce chargés de produits coloniaux dont la vente réalisée le 15 mars 1813 rapporte plus d'1,4 Million de francs de l'époque.
La Miquelonnaise est commandée par le capitaine Pradet-Niquet et armée par les sieurs Fourchon, Amiel et cie : association d'armateurs de Saint-Malo et de Lorient. Une partie du produit de la vente est versée dans les caisses du bureau de Bienfaisance de Quimper et permet de soulager les souffrances des plus démunis. Cette heureuse prise n'avait pas été sans susciter la colère des Britanniques et peu après cette affaire La Miquelonnaise finit à son tour par être prise par les Anglais.
Les sorties à terre des équipages corsaires aboutissent généralement à des troubles de l'ordre public. Sur les quais, le Café de la Marine du sieur Meingant est le principal repère de ces vieux loups des mers. Leur réputation déplorable est fidèle à la légende. Le maire de Quimper, Calloc'h-Kerillis, écrit au préfet en novembre 1810 à propos de l'équipage d'un corsaire : Ces hommes sont ivrognes, libertins à l'excès, tapageurs et querelleurs. Ils sont redoutés de tous les habitants et en effet leur aspect seul est capable d'effrayer. Ils ont l'air de vrais brigands.
En quelques jours, quatre d'entre eux sont arrêtés pour différents vols avec effractions.
Les autorités municipales tentent à plusieurs reprises, mais sans grand succès, de faire consigner à bord ces marins peu disciplinés qui viennent chercher dans le réconfort des auberges les charmes monnayés de plusieurs dizaines de « filles publiques ».
Un brickLa présence de ces corsaires se signale parfois de façon singulièrement bruyante. En juillet 1814, le maire de la ville reçoit une plainte d'une demoiselle Faugeyroux déposée contre le capitaine du corsaire Lorette. Le navire amarré à quai devant la maison ayant pointé ses pierriers et ses canons vers les fenêtres de la maison voisine lâche une salve d'honneur à l'occasion d'une fête. La bordée est tirée à poudre, sans boulets. Mais par négligence un écouvillon a été oublié dans l'un des canons. Le projectile crible la façade de la maison, fracasse les fenêtres, défonce le plafond d'une chambre, réduit en menues allumettes une table de nuit et une tablette de marbre au grand désarroi de la demoiselle Faugeyroux propriétaire.
Les armements avaient à Quimper des agents chargés de défendre leurs intérêts. Ainsi le sieur Rateau de Quimper était-il l'agent des armateurs de l'Eléonore de Saint-Malo. Le sieur Faugueyroux représentait quant à lui les armateurs de la Miquelonaise en 1812-1813.
Les équipages anglais faits prisonniers étaient internés à la prison de Quimper puis adressés à Brest.
Des magasins de la marine avaient été élevés à Locmaria pour le stockage des marchandises déchargées. Afin d'amarrer les nombreux bateaux dans l'Odet, de vieux canons réformés avaient été installés dès 1804 le long des quais et enfoncés dans le sol, leur gueule seule émargeant du sol. Quelques-uns d'entre eux subsistent encore aujourd'hui au Cap Horn, derniers témoins d'une page mouvementée de notre histoire.
Le retour de la paix en 1815 éloigne définitivement ces hôtes décidément peu recommandables et que les autorités comme la bonne société quimpéroise jugeait peu fréquentables.
Il ne s'agit pas de confondre les deux catégories de personnages.
Les pirates ou forbans sont des hors-la-loi. Ils s'attaquent à tous navires, sans distinction de pavillon, sans avoir été mandatés par une puissance nationale. En cas de capture, c'est la potence qui les attend.
Logo de la marine Les corsaires sont des marins de la République. Les officiers proviennent généralement de la marine marchande. Les équipages sont souvent composés d'inscrits maritimes non classés, des matelots trop âgés pour être levés pour la marine de l'Etat, d'invalides et d'étrangers. Ils fournissent les équipages nombreux de navires souvent modestes mais rapides, dotés d'une puissante artillerie de pont. Ils courent sus à l'ennemi, de préférence en s'attaquant à son commerce maritime afin d'en retirer de solides bénéfices.
L'armement corsaire est tout autant une entreprise patriotique que capitaliste. Le corsaire est muni d'une lettre de marque : autorisation officielle de courir sus à l'ennemi et qui le protège en cas de capture. Pris par l'ennemi : il est alors considéré comme prisonnier de guerre. Il ne doit s'attaquer qu'aux navires relevant de pays en guerre ouverte contre son Etat. Il doit respecter les lois de la guerre et les navires des pays neutres.
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