A l'aube du 19ème siècle, la ville de Quimper est seulement alimentée en eau par les prélèvements directs effectués dans les rivières qui la traversent, par une douzaine de bornes fontaines, puits publics et par de très nombreux puits privés dont la plupart ne fournit qu'une eau impure, parfois saumâtre mais presque toujours impropre à la consommation.
Si la consommation des eaux du Steir s'apparentait à une tentative de suicide en raison des rejets que l'abattoir réalisait directement dans la rivière, il ne restait donc plus aux Quimpérois du règne de Louis-Philippe que les eaux de l'Odet et celles dispensées dans divers lieux publics.
L'entretien de ces points d'eau laissait lui-même, il est vrai, fort à désirer.
Réservoir à construire place du champ de Bataille (1821)Comme le signale alors dans un mémoire d'août 1821, l'ingénieur des Ponts et Chaussées de Silguy, la fontaine du Champ de Bataille (actuelle place de la Résistance) étant à découvert est toujours fort malpropre, tant par l'effet de la fréquentation que par la vicieuse disposition du sol aux abords qui permet aux immondices de s'y écouler sur plusieurs directions. Pour tenter de remédier à ce fléaux un réservoir pouvant contenir tout le produit de la source pendant la nuit fut élevé en 1822.
Un rapport rédigé dix ans plus tard, en août 1831 par le sieur Derrien, architecte voyer de la ville, rapporte cette fois à propos du puits public de Bourg-les-Bourgs.
Ce puits fournit une très bonne eau est de la plus grande utilité pour un quartier assez populeux, mais les eaux en sont continuellement salies par les immondices qu'y jettent les enfants, plus encore, les habitants de la campagne, se servent de la margelle de ce puits comme montoir et toute la saleté de leurs sabots délavée par l'eau que l'on vient y puiser retombe dans le puits et corrompt l'eau ; heureux encore que quelques paysans ivres ne soient pas tombés dedans comme cela a manqué être plusieurs fois aux dires des riverains.
Fontaine de la place Saint-MathieuSur la place Saint-Mathieu, la situation n'est guère plus brillante, le sieur Chevalier, architecte de la ville rapporte à propos du puits servant à la population du quartier que «la maçonnerie supérieure de ce puits présentant une grande surface, elle donnait des facilités d'y déposer des ordures dont la corruption exhalait des odeurs fétides, enfin que des hommes ivres ou non, blessaient les mœurs en se plaçant sans précaution sur les places de cette maçonnerie».
Un problème identique est soulevé à propos de la fontaine de Mesgloaguen. Cette fontaine est alors un réservoir ou bassin à ciel ouvert établi à 3 mètres au-dessous du sol de la rue. Un escalier permet d'y descendre mais souligne l'architecte de la ville : l'eau en est souvent troublée par les immondices que l'on y jette et qui peuvent d'un moment à l'autre compromettre la santé des habitants. La solution à laquelle s'arrêta généralement l'administration municipale fut de couvrir les fontaines et d'y installer des pompes.
En 1843, lors de la première épidémie de choléra le comité de salubrité publique du quartier du Pichery signalait dans un rapport «sous la dernière maison en eau du Pichery se trouve un puits masqué par un appareil à pompes. Nous nous sommes informés pourquoi on ne se serait plus de ce puits ; il nous a été répondu qu'on avait été forcé de l'abandonner par suite des infiltrations provenant des latrines de la maison d'arrêt». Plus loin, place du marché au Beurre l'arrière du puits sert d'abri aux dépôts de toutes les ordures.
Les habitants du quartier des Halles, dont le côté sud était un foyer d'infection, préféraient aller au loin chercher de l'eau plutôt que d'utiliser les pompes de leur quartier. Un autre rapport daté de 1849 précise « A Locmaria, il existe une fontaine qui fournit de l'eau à tout le quartier et il est de notoriété publique que la pureté en est très souvent troublée par des immondices , de la boue et des ordures de toutes sortes qu'on y jette principalement le soir ».
Projet de fontaine pour la place MesgloaguenEn 1858, la ville et ses quelques 9896 habitants devaient s'alimenter aux six puits et sept fontaines publiques de la ville. De ces six puits, seul l'un d'entre eux produisait une eau buvable (celui situé rue de la Providence). Quant aux fontaines, cinq d'entre elles permettaient l'accès à une eau qualifiée de bonne. L'ensemble des eaux consommables représentaient une capacité maximale estimée à moins de 50 000 litres d'eau par jour.
En dépit de quelques modestes travaux cette situation se révéla critique du point de vue sanitaire, les nombreuses et dramatiques épidémies de choléra qui ponctuèrent le 19ème siècle en portent le témoignage.
La superficie de Quimper en 1850 équivaut à moins de 200 hectares.
Tous les points de captages d'eau potable importants se situent à la périphérie extérieure de la commune. Cette situation va perdurer jusqu'en 1960, époque de la création du Grand Quimper.
Faute de moyens financiers, peut-être aussi devant les difficultés administratives et l'hostilité de quelques grands propriétaires fonciers influents qu'il aurait fallu exproprier, la municipalité quimpéroise, bien que consciente de la gravité de ce problème, attend l'année 1856 pour créer un point de captage d'eau de source sur la commune d'Ergué-Armel, à Prat-Maria.
Le 5 décembre 1856 puis le 14 mars 1857, le Conseil municipal présidé par E. Porquier vote le projet d'établissement de nouvelles fontaines.
Louis-Marie de CarnéLe 1er août 1857 une commission d'enquête nommée par le préfet et présidée par M. de Carné rend un avis favorable au projet de la commission municipale d'établissement de nouvelles fontaines par prélèvement d'eau à la source de Prat Maria en dépit de l'opposition de quelques propriétaires fonciers.
Par décret impérial du 31 décembre 1859, le projet d'établissement de nouvelles fontaines à Quimper au moyen des sources dites de Prat Maria est déclaré d'utilité publique. Un jugement d'expropriation est rendu le 2 novembre 1860 permettant le début des travaux.
Réservoir à construire sur le mont FrugyUne canalisation en fonte va amener désormais l'eau depuis le point de captage jusqu'au Mont-Frugy. L'eau y est stockée dans un réservoir bâti sur le flanc nord du mont. Des canalisations mènent ensuite l'eau potable en divers points et quartiers de la ville, notamment place Saint-Corentin. Cette canalisation fonctionne dès 1862. Des conduites adossées au pont de la préfecture permettent de franchir l'obstacle naturel que représente la rivière.
C'est véritablement à cette époque qu'il faut faire remonter la naissance d'un service des eaux à Quimper. En 1866, un premier règlement de concession d'eau à domicile est établi. Le préfet est l'un des premiers et rares abonnés.
L'architecte de la ville en assure traditionnellement la direction sans que de nouveaux personnels soient spécifiquement affectés à la surveillance du réseau.
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