C'est à partir du XVIIème siècle que les rues de certaines grandes villes comme Paris sont éclairées.
Système d'éclairage des villesAuparavant, c'est aux riverains qu'incombe l'éclairage des rues par l'accrochage de lanternes et chandelles ardentes aux fenêtres. Au XVIIIème siècle l'invention du réverbère vient améliorer l'illumination de la voie publique. Mais cela vaut surtout pour les grandes villes.
Quimper, chef-lieu du département du Finistère ne recevra l'éclairage qu'au début du XIXème siècle.
A l'heure où les scientifiques parlent de pollution lumineuse des villes, il faut imaginer qu'au début du XIXème siècle, Quimper, même éclairé, était quasiment plongé dans l'obscurité.
C'est véritablement en 1804 que la municipalité de Quimper entreprend de doter la ville d'un éclairage urbain.
Tournée des allumeurs de réverbère en 1838Déjà, à cette époque, les communes de Brest, Morlaix et Landerneau ont bénéficié de ces progrès. C'est le sieur Chauchard de Brest, qui le premier, propose ses services à la ville. Le prix du bec d'éclairage s'élève alors à 36 francs et c'est l'huile végétale de Colza qui est utilisée pour les lanternes. Une quarantaine de becs seront installés dans la ville en 1805.
Si l'éclairage des rues est un énorme progrès, il n'en est pas moins insatisfaisant. Ainsi plusieurs habitants de Quimper se plaignent du fermier des réverbères qui ne remplit pas ses obligations en éteignant les réverbères trop tôt. De plus ceux-ci, ne diffusent pas une clarté suffisante pour éviter certains accidents comme des chutes et des noyades dans l'Odet.
En 1813, la ville compte 129 becs d'éclairage. En 1824, la municipalité décide d'introduire dans son réseau de luminaires urbains le nouveau système d'éclairage Bordier-Marcet. Cette invention permet d'éclairer de manière plus puissante les rues et surtout de faire d'importantes économies d'huile. La ville compte désormais près de 200 becs d'éclairage.
En 1839, la municipalité passe un nouveau marché pour l'éclairage des rues et retient la société Paban qui utilise le système Pradal. Les conséquences de l'installation de ce système sont une nouvelle économie d'huile pour les lampes et une diminution notable du nombre de becs. Ainsi en 1840, on n'en dénombre plus dans les rues quimpéroises que 118.
Lampes du système PradalMais l'éclairage à l'huile reste peu performant par rapport au gaz, c'est pour cette raison que dès 1845, des pourparlers s'engagent entre la ville de Quimper et plusieurs entreprises fournisseurs d'éclairage au gaz.
En 1851, les habitants des rues Bourg-les-Bourgs et de Pont-l'Abbé, mécontents de l'éclairage à l'huile, réclament l'éclairage au gaz dans une pétition adressée au maire. Mais, il leur faut attendre les années 1860 pour que se décide la construction d'une usine à gaz à Quimper.
Dans un premier temps, l'administration municipale souhaite élever l'usine à gaz route de Brest. Finalement l'établissement de l'usine se fera sur la rive droite de l'Odet sur un terrain situé le long du chemin de halage.
Usine à gaz le long du chemin de halageEn 1862, un traité d'éclairage est passé entre Aristide Guéguen, directeur de l'usine à gaz de Morlaix et le maire Edouard Porquier. Le conseil municipal concède à M. Guéguen le droit exclusif de fabriquer du gaz d'éclairage pendant 50 ans et d'établir sous le sol des rues , places et terrains dépendants de la voie publique de Quimper des tuyaux pour le service d'éclairage de la municipalité et de ses habitants.
La compagnie Lebon (Compagnie centrale d'éclairage et de chauffage par le gaz) approuve le traité en janvier 1863. Philippe Lebon (1767-1804), ingénieur et chimiste français, est l'inventeur de l'éclairage et du chauffage au gaz par distillation du bois. Mais, c'est la trouvaille de Murdoch, un anglais, qui l'emporte : le gaz, produit industriellement, est extrait de la houille. Avant d'être distribué, il est lavé et purifié puis est stocké dans des gazomètres.
Le gaz est fabriqué à partir de deux sortes de houille qui sont mélangées (le charbon de Cardiff et charbon de Newcastle). Le gaz qui sort des cornues (partie du four où l'on chauffe le charbon pour obtenir le gaz d'éclairage) passe dans le barillet, le jeu d'orgue et l'épurateur puis il est stocké dans les gazomètres avant d'être distribué.
Les premières poses de conduites de gaz sont situées de part et d'autre de l'Odet. L'installation de l'éclairage dans les quartiers de la ville va s'étaler sur plusieurs dizaines d'années.
Plan de situation de l'usine à gaz au chemin de halageCertaines rues restent encore éclairées à l'huile de Colza. En 1869, l'avenue de la gare est équipée du gaz d'éclairage et en 1870 c'est la place neuve (de La Tour d'Auvergne). En 1872, c'est au tour de la rue Neuve (Jean Jaurès), de la rue de Douarnenez et de la rue Verdelet.
En 1873, les travaux concernent les rues Vis, Saint-Antoine et de l'Hospice. En 1877, se sont les rues Bourg-les-Bourgs, Pont-l'Abbé, de la Providence et la Venelle de Kergos qui reçoivent la lumière bienfaitrice. Tout au long des années qui suivent, le réseau ne cesse de s'étendre et de s'améliorer.
En février 1891, un traité de prorogation et de modification est signé entre le maire Joseph Astor et Eugène Lebon. Outre les conditions générales de distribution du gaz et de son prix, il est spécifié que les becs devront avoir une intensité suffisante pour permettre à une personne de vue moyenne de lire à une distance de 10 mètres du réverbère, à toutes heures de la nuit, sauf en cas de brume ou de tempête, les caractère dits «gros romain» (en imprimerie).
La question de l'intensité de la lumière produite est donc un des points les plus importants pour la municipalité car il s'avère que les plaintes des habitants sur l'insuffisance de l'éclairage des rues et la mauvaise qualité du gaz sont monnaie courante.
L'éclairage ne concerne pas seulement les rues mais aussi les façades de différents bâtiments de la ville. Certaines structures plus tardives sont équipées dès leur construction à l'exemple du kiosque à musique. Les travaux le concernant ont débuté en juin 1898 pour effectuer la plomberie et poser un lustre à 12 lumières et 8 lustres à 3 branches.
Kiosque à musique avec ses lustresLes bâtiments publics font également l'objet de travaux exceptionnels d'éclairage lors des grandes fêtes annuelles. Ainsi pour le 14 juillet et les fêtes d’Août, les bâtiments de la mairie, du musée sont particulièrement illuminés. En fait, très peu de bâtiments publics possèdent l'éclairage au gaz ainsi en 1907, seuls la mairie, le musée, le kiosque et le gymnase en sont pourvus. Des commandes d'éclairage sont également faites à l'usine à gaz pour notamment des rampes d'éclairage de la scène de la salle du théâtre se trouvant dans le musée des beaux-arts.
Les administrations et les particuliers bénéficient également de l'éclairage au gaz.
Dans une séance du conseil municipal du 26 mai 1905, il est signifié que l'éclairage des salles de l'hôtel de ville est absolument défectueux et insuffisant. Les employés sont obligés de travailler à la lumière de lampes à pétrole, ce qui a le double inconvénient de procurer aux agents une lumière pauvre et de tâcher les dossiers. Le conseil décide donc de faire établir l'éclairage dans toutes les salles de l'hôtel de ville. Petit à petit le réseau de gaz se densifie à travers la ville.
Parallèlement à cela, l'électricité fait son apparition. En 1898, une usine d'électricité est implantée sur le Steïr au Moulin au duc. La première distribution d'électricité concerne 10 abonnés de la place Terre-au-duc. Mais avant 1914, l'éclairage électrique est encore peu répandu.
Le maire de Quimper, lui-même, préconise une installation mixte avec le gaz et voit l'éclairage à l'électricité comme un appoint. Les particuliers ont, quant à eux, la possibilité de choisir entre les deux systèmes.
Louis Stervinou, directeur de l'usine à gaz, années 1920 En 1924, la compagnie Lebon acquière la majorité des actions de la Sud Finistère Electrique. En 1926, elle effectue des travaux rue du Parc afin d'expérimenter un nouveau système d'éclairage électrique par des lampes suspendues à des câbles. En 1927, la compagnie fait construire à l'eau blanche une centrale thermique.
Ainsi l'électricité va petit à petit se substituer à l'éclairage au gaz.
© Archives municipales de Quimper