Lors de la création du collège des jésuites dans l'enceinte de la ville en 1621, Quimper-Corentin est alors dépourvue d'imprimeurs.
Pour l'impression de ses ouvrages d'enseignement, l'établissement fait probablement appel aux ateliers morlaisiens ou encore parisiens. Il faut attendre 1635 pour que les premiers ateliers voient le jour à Quimper.
Dès lors, la cité quimpéroise va connaître l'installation de nombreux imprimeurs tout au long du XVIIème siècle jusqu'à ce que le pouvoir royal décide de règlementer la profession.
Après 1704, un seul imprimeur sera autorisé à y exercer sa profession.
L'assemblage des lettresA Quimper, les quatre principaux clients des ateliers d'imprimeurs sont le collège des Jésuites pour ses livres d'enseignement, la communauté de ville en particulier pour l'impression de placards et de règlements, l'évêque qui fait surtout imprimer des Cantiques, des catéchismes, des hagiographies, des livres liturgiques et de prières et le présidial pour ses arrêts et règlements de justice.
Depuis l'invention de l'imprimerie au milieu du XVème siècle par Gutenberg jusqu'au XIXème siècle, la typographie est la technique la plus utilisée pour la reproduction de textes. Elle s'appuie pour l'impression d'écrits sur des caractères mobiles en plomb et en relief.
Pour les illustrations, l'imprimeur utilise des xylographies (gravures sur bois) ou du métal gravé (cuivre ou zinc). Les xylographies restent très en vogue jusqu'au XIXe siècle car elles s'insèrent facilement dans une forme typographique contenant du texte.
La composition des textes se fait manuellement. Le compositeur se sert de caractères typographiques rectangulaires coulés dans un alliage de plomb, d'antimoine et d'étain. Ils portent sur une de leurs faces le dessin en relief d'une lettre alphabétique.
Tous ces symboles sont rangés dans une casse, une sorte de grand tiroir compartimenté. Les lettres sont ensuite assemblées pour former une ligne dans un composteur. Entre chaque ligne l'imprimeur dispose une interligne.
Lorsque le composteur est plein, il glisse les lignes composées dans la galée (planchette rectangulaire avec rebord) et, lorsque le nombre de lignes composées forme une page, il lie l'ensemble par quelques tours de ficelle et pose la page sur un porte-page.
L'impression d'ouvragesLa page peut donc être imprimée avec une presse à bras. La forme à imprimer repose sur le marbre (élément de la presse). On enduit d'encre pâteuse la forme au préalable à l'impression de chaque feuille. L'ensemble des pages imprimées est ensuite relié.
La plupart des ouvrages imprimés à Quimper au XVIIème siècle ont un format in-quarto. Cela correspond sensiblement à l'époque à la dimension d'une feuille A4 pliée en 4 donnant par conséquent 4 feuillets et 8 pages.
Il semble que le tout premier imprimeur installé à Quimper soit Georges Allienne.
Le sacré collège de jésus imprimé par jean Hardouin en 1659 Il s'établit tout d'abord à Morlaix vers 1620, date de parution du Statut des frères mineurs de la province de Bretagne, premier ouvrage connu sorti de ses presses. En 1622, il ouvre une librairie à Quimper, place Maubert. Ce n'est que bien plus tard, en 1635, qu'il transporte ses presses dans la capitale de la Cornouaille. Un ouvrage publié cette année là mentionne Georges Allienne imprimeur à Quimper-Corentin.
En 1636, François Dubuisson-Aubenay dans son Itinéraire en Bretagne fait état de la présence de deux imprimeurs à Quimper. Il ne cite que le nom d'Allienne et ne mentionne pas le nom de son concurrent.
On ne connaît presque rien de Georges Allienne ni de ses origines. D'après les registres paroissiaux, il n'a pas eu d'enfant à Quimper ; il n'est pas non plus décédé dans cette ville. En 1641, à la mort de l'évêque Guillaume Le Prestre de Lézonnet, c'est lui qui est chargé de faire l'inventaire de la bibliothèque du prélat. La dernière trace de lui en tant qu'imprimeur à Quimper est un livre de Guillaume Le Baud conservé à la bibliothèque de la ville intitulé L'usage local de l'évêché et comté de Cornouaille en Basse-Bretagne, imprimé en 1666.
Michel Machuel aurait exercé en même temps que Georges Allienne dans la petite cité cornouaillaise. Nous pouvons supposer d'après Dubuisson-Aubenay, que Michel Machuel est le deuxième imprimeur de la ville car il existe un ouvrage imprimé par lui à Quimper en 1642 qui s'intitule Cantiquou spirituel.
C'est un recueil de cantiques bretons dont l'auteur est un père jésuite. Nous ne possédons pas d'information sur la situation de l'atelier dans l'enceinte de la ville. Comme Georges Allienne, Michel Machuel est absent des registres paroissiaux de Quimper.
Il semble que ce soit Jean Hardouin, normand de naissance qui ait pris la suite de l'imprimeur Machuel. Il est né vers 1620 à Rouen.
Règlement de police imprimé par Jean Hardouin en 1662Il est marié à Yvonne Sagorin. Tous deux s'installent dans un premier temps à Morlaix puis à Quimper vers 1645 car un fils prénommé Jean, le célèbre jésuite, voit le jour en la paroisse de Saint-Mathieu le 23 décembre 1646. De cette union naissent six enfants à Quimper.
Jean Hardouin décède à Saint-Sauveur le 25 avril 1676 sans qu'aucun de ses enfants ne lui succède. Plusieurs ouvrages sortiront des presses de l'atelier Hardouin notamment Le sacré collège de Jésus de Julien Maunoir en 1659, Statuta synodalia diocesis corsopitensis sev cornouniensis (Statuts synodiaux du diocèse de Quimper en Cornouaille) publié sous la direction de l'évêque René du Louët en 1657.
En ce milieu du XVIIème siècle plusieurs imprimeries s'implantent à Quimper.
C'est le cas de l'atelier de Guillaume Le Blanc qui s'installe au début des années 1650. Guillaume Le Blanc est né 2 avril 1623 dans la paroisse de Saint-Esprit de Jean Le Blanc et de Licentia Du Bré. Il se marie à Adelice Mazéas de qui il aura 8 enfants dont deux filles qui épouseront des imprimeurs. Guillaume est le premier d'une longue lignée d'imprimeurs quimpérois.
Son atelier se situe rue du Sallé près du collège des jésuites qui est son principal client et c'est dans sa boutique que les jeunes écoliers achètent également leurs fournitures scolaires.
Guillaume Le Blanc a notamment imprimé l'ouvrage de Julien Maunoir aujourd'hui conservé à la bibliothèque de l'évêché à Quimper Canticou spirituel hac instructionou profitable rit disqui an hent da vont dar barados (Cantiques spirituels et instruction profitable pour ceux qui voudront apprendre le chemin pour aller au paradis) en 1677. Il décède le 11 juin 1690 à Saint-Sauveur. On trouve d'ailleurs dans les registres des sépultures de cette paroisse, les décès des trois générations des Le Blanc, tous libraires et imprimeurs à Quimper.
Ouvrage imprimé par Romain Malassis en 1680 L'installation de nouveaux imprimeurs se poursuit dans la deuxième moitié du XVIIème siècle.
Ainsi Romain Malassis, fils de libraire rouennais, et sa femme Catherine Burelly (ou Borelly) s'installent à Quimper sans doute en 1679, année de la naissance de leur fille Marie-Anne à Saint-Sauveur. Il ne reste à Quimper qu'environ 7 ans puis part pour Brest en 1686, année du décès de sa femme à Quimper. Il y devient imprimeur de la Marine et de la ville.
Il imprime entre autre, Sanctorum diocesis Corisopitensis seu cornubiensis (Le saint diocèse de Quimper Corentin en Cornouaille) en 1680 conservé à l'évêché et est chargé de réimpressions d'ouvrages de référence de l'époque.
Un autre imprimeur de renom installé à Quimper est le hollandais Gaultier Buitingh, gendre de Guillaume Le Blanc.
Maison des imprimeurs Le Blanc à Quimper Il est né à Groningen aux environs de 1645. Ce jeune imprimeur d'une vingtaine d'années arrive en France où il travaille dans différents ateliers. A la fin des années 1670, il est présent à Quimper et est embauché à l'imprimerie Le Blanc puis se marie avec Françoise Le Blanc le 26 septembre 1678, l'une des filles de son patron.
Très vite, il ouvre un nouvel atelier en tant qu'imprimeur de l'Evêque et du Collège. De son union avec Françoise Le Blanc vont naître 8 enfants entre 1679 et 1693. Il décède en septembre 1720.
Parmi les ouvrages sortis de ses presses, il y a Le parfait missionnaire ou instructions très-utiles à tous les prêtres pour travailler avec fruit à la vigne du seigneur imprimé en 1696 ou encore des ouvrages en langue bretonne tel que Oraesonou da veza lavaret dious, ar mintin, ha dious an nos, pa glever an offeren, quent ha goude ar communion, evel ma desquer er retraet hag er missionnou (Les oraisons pour être dites depuis le matin et depuis la nuit quand on entend la messe mais aussi pour la communion tel on l'apprend lors des retraites avec les missionnaires).
Ouvrage imprimé par Gaultier Buitingh L'autre gendre de Guillaume Le Blanc, également imprimeur, est Joseph Noël sieur des Vergers.
Il épouse Germaine Le Blanc le 23 juin 1688 à Saint-Sauveur. De cette union naîtront 7 enfants entre 1689 et 1704. Selon toute probabilité, Joseph Noël a travaillé dans les ateliers de son beau-père jusqu'à quelques années après la mort de celui-ci. La dernière trace de Joseph Noël est le décès en 1708 de son fils Jean-Marie alors âgé de 6 ans.
Il n'y a pas de sépulture au nom de Joseph Noël dans les tables paroissiales de Quimper ce qui laisse penser que lui et sa famille ont quitté Quimper après 1708. Gwennolé Le Menn dans sa bibliographie bretonne signale une impression attribuée à Joseph Noël : il s'agit d'un arrêt du conseil d'Etat du Roi du 16 août 1692.
A l'aube du XVIIIème siècle éclate l'affaire de la succession de Guillaume Le Blanc père.
A sa mort, son fils Guillaume, rachète l'atelier d'imprimerie à sa mère Adelice Mazéas. Celui-ci étant incomplet, Guillaume Le Blanc fils intente un procès à sa mère ainsi qu'à Joseph Noel son beau-frère afin de récupérer le matériel manquant. Mais le procès affaibli la réputation de l'atelier Le Blanc.
Gravure sur bois tirée d'un ouvrage imprimé par Jean Perier En 1686, Jean Périer, marseillais d'origine, s'installe à Quimper place Maubert à l'enseigne du Bon Pasteur. Il est probablement à cette époque, imprimeur indépendant. La bibliothèque nationale conserve d'ailleurs dans ses collections un ouvrage imprimé à Quimper par son atelier datant de 1686.
Puis en 1692, on le retrouve imprimeur du Roi. Les archives possèdent dans le fonds ancien un édit imprimé par lui cette même année.
En 1700, une enquête ordonnée par un arrêt du conseil d'Etat est réalisée à travers le royaume afin de recenser les ateliers d'imprimerie pour mieux encadrer la profession.
Il y a trois ateliers à Quimper : celui de Gaultier Buitingh qui ne compte qu'une presse. Ne pouvant faire face très longtemps à ses concurrents, il finit sa carrière comme compagnon chez Jean Périer.
L'atelier de Guillaume Le Blanc possède quant à lui deux presses mais qui sont en mauvais état. L'atelier est certainement sur le déclin car il imprime de moins en moins au fil du temps.
Le troisième atelier est celui de Jean Périer, imprimeur officiel du collège puis de l'évêque en 1703.
Jean Perier, place maubert, 1692A partir de 1704, un seul atelier est autorisé à Quimper. Même si les imprimeurs déjà installés sur la place peuvent continuer leur activité, le XVIIIème siècle verra l'atelier de Jean Périer s'imposer face à ses concurrents.
La production quimpéroise reste modique et on ne compte aujourd'hui que peu d'ouvrages dans les collections publiques. Elle se décline principalement en langue bretonne et latine. Très peu d'ouvrages littéraires ou historiques sont sortis des presses quimpéroises.
On peut cependant citer Les alternatives du sieur du Run Furic conservé à la Bibliothèque nationale et imprimé chez Jean Hardouin en 1663 ou encore un choix de fables d'Esope imprimé par Guillaume Le Blanc en 1679.
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