La présence d'un pont à Locmaria est attestée dès 1360. En 1388, on trouve mention de rentes versées à Marguerite, fille d'Aimeric de Locmaria sur des jardins et vergers situés « Pen Ar Pont » à Locmaria. (Bout du pont en breton).
Le port de Locmaria au début du XXème siècleCe pont était en bois et devait être régulièrement remis en état. Il servait aux communications entre Locmaria et Quimper et permettait le passage de marchandises et des personnes. Pendant les guerres de la Ligue, la ville fut menacée et assiégée à plusieurs reprises. Le pont de Locmaria fut détruit ou incendié car il fallut le relever en mars 1596.
Ce pont tournant resta en fonction pendant tout le 17ème siècle. On y passait à pied mais aussi à cheval. Un voyageur dénommé Dubuisson-Aubenay, le décrit en 1636 comme un pont de bois tournant sur pivot et se séparant et déjoignant pour laisser passer les vaisseaux. A une date inconnue l'on y adjoignit une pile de pierre sur laquelle s'appuyait le tablier du pont.
Vers 1725 un navire dérivant alla abîmer la pile de pierre qui supportait l'ouvrage. La Communauté de ville de Quimper faute d'argent pour réparer l'ouvrage et n'ayant pu s'entendre avec le Prieuré de Locmaria, qui se prétendait aussi propriétaire du pont, jugea plus à propos, de détruire le tout, en raison du danger que cette construction représentait pour la navigation.
Il est à peu près certain qu'aucun projet sérieux de reconstruction du pont de Locmaria ne vit le jour dans la seconde moitié du XVIII siècle.
Le passeur de Locmaria (1)En l'absence de tout moyen de communication permanent un passeur assurait le passage entre les deux rives au moyen d'un bac. Ce « Treizour » recevait une rétribution pour chaque passager; ce qui occasionnait des frais importants et réguliers pour les ruraux relevant du fief, les employés se rendant dans les nouvelles manufactures ou les simples fidèles de la paroisse de Locmaria. La Révolution n'apporta aucun changement à cette situation.
Au XIXème siècle la Ville de Quimper affermait généralement pour six ans et par contrat la perception des droits à percevoir du passage d'eau établi sur l'Odet à Locmaria.
Les droits de passages étaient affermés pour la somme de 70 francs par an. Le service du bac était réalisé par un canot de cinq mètres de long et 1,55 mètres de large, garnis de deux gaffes et d'un aviron pouvant transporter huit personnes, y compris le passeur.
Le passeur de LocmariaLe transport des passagers et la navigation sur l'Odet n'étaient pas sans danger. André Lazarre, dans son ouvrage « Un mois en Bretagne », rapporte le souvenir d'une tragédie annoncée remontant à août-septembre 1855.
« Le matin, plus de trente personnes, allant à un pardon voisin, s'étaient embarquées sur l'Odet. Le bateau était vieux, mal gréé, chargé de monde mais le trajet est si court et si tranquille. On avait fait la moitié du chemin, quand une forte brise de mer s'élève, agite les flots, frappe la voile et fait pencher l'embarcation. Les passagers, des femmes et des enfants pour la plupart, s'effraient et se jettent tous du même côté ;... le vent augmente et la barque frappée par un flot terrible, s'entrouvre et chavire...Un horrible cri s'élève... Et puis, on n'entend plus rien. Cette horrible scène se passait à cent pieds du bord ».
Malgré les dangers des traversées quotidiennes, le transport par bac demeura très populaire jusqu'aux années 1950. A cette époque le dernier passeur que les Quimpérois appelaient affectueusement « Tonton Théodore » proposait ses services à bord d'une barque non pontée baptisée « Marie ».
La construction d'une nouvelle passerelle au Cap Horn scella le destin du vieux métier de passeur à Quimper.
Projet de passerelle de LocmariaL'essor économique du quartier industriel de Locmaria et du Cap Horn, l'augmentation du nombre des déplacements quotidiens des travailleurs, des écoliers et des fidèles relança le débat sur l'opportunité d'une nouvelle passerelle au début du XXème siècle.
En mars 1925, 326 signataires d'une pétition adressée à la municipalité réclamaient d'urgence l'édification d'une nouvelle passerelle entre les deux rives de l'Odet. Le 25 avril 1925, la Ville soumettait son projet à l'approbation du ministre des Travaux Publics. Celui-ci autorisa la construction d'une passerelle sous réserve de la prise en charge de la totalité du prix de l'ouvrage par la Ville.
La passerelle demeura donc à l'état de projet, faute de financement. Le 9 octobre 1936, une nouvelle pétition réunissant 550 signataires demandait la mise à l'étude d'un nouveau projet. Le 4 novembre 1936, la Ville adressait une nouvelle demande au ministère des Travaux publics qui, pour des raisons inhérentes aux nécessités du trafic maritime du port fluvial de Quimper, ne donna pas une suite favorable à cette demande.
La guerre suspendit tous les projets.
L'inauguration de la passerelle du Cap Horn en 1954Le 22 mars 1945 le Conseil municipal relançait le dossier. Le 12 avril 1946 deux projets lui étaient présenté, l'un consistant en un passage au-dessus de la rivière l'autre en un passage sous l'Odet, plus onéreux. Le débat fut relancé en décembre 1949 par la municipalité Halleguen.
La Ville de Quimper envisagea alors deux nouvelles solutions : la construction d'une passerelle mobile ou celle d'un pont route permanent. En avril 1950 l'administration des Ponts et Chaussées approuva le projet de construction d'une passerelle mobile. Le 18 juillet 1950 un premier avant-projet était adressé à la ville de Quimper pour avis. Le montant de la construction s'élevait à six millions d'anciens francs de l'époque.
Le 26 juillet 1950 le Conseil municipal par 23 voix décidait du principe de construction d'une passerelle avec partie fixe et travée mobile pour relier le quartier du Cap Horn à celui de Locmaria.
Déconstruction de la passerelle du Cap Horn en octobre 2006Le 21 novembre 1950, le préfet du Finistère arrêtait l'inscription au Plan d'Equipement National les travaux de la passerelle. Une subvention de 1 200 000 francs était accordée à la ville. Le 7 décembre 1950, la commission nautique émettait à son tour un avis favorable au projet mais demandait que la passerelle pivota autour d'une seule pile implantée rive gauche.
Le 6 septembre 1951 une décision ministérielle fixait à 8.500.000 le montant de la dépense autorisée pour la construction de la passerelle. Le 2 octobre 1951, le dossier de concours pour la construction d'une passerelle dressé par l'ingénieur TPE était enfin reçu par la Ville de Quimper. Les différentes offres des entreprises soumissionnaires furent examinées par la commission de concours le 26 février 1952.
L'offre de la compagnie FIVES-LILLE sera finalement retenue. La dépense totale de l'ouvrage est fixée à 11 000 000 d'anciens francs. Le 22 juillet 1952 le Conseil municipal approuvait l'ensemble du projet financé par la Ville et ouvrait au budget additionnel un premier crédit supplémentaire de 5 millions.
En janvier 1953, les piles étaient terminées mais la passerelle promise n'arrivait toujours pas.
La passerelle du Cap Horn, photo de GaleronUne pétition était adressée le 22 janvier 1953 au directeur général de Fives-Lille par les Quimpérois afin de demander que la partie métallique de la passerelle soit posée le plus rapidement possible. Le retard provenait de mouvements de grèves dans les ateliers Fives-Lille. Les Quimpérois, lassés par une si longue attente, mais toujours promptes à plaisanter baptisèrent alors leur passerelle du doux prénom de Désirée et lui dédièrent même une chanson humoristique.
La réception provisoire des travaux eut lieu le 23 janvier 1954. La passerelle fut officiellement inaugurée le lendemain. La réception définitive des travaux de construction de la passerelle de Locmaria n'eut lieu que le jeudi 12 janvier 1956. L'ouvrage avait finalement coûté 9.700.000 d'anciens francs.
Entre mars 1925 et janvier 1954, il a fallu près de 29 années pour voir mener à bien le projet de passerelle de Locmaria.
On pourrait s'interroger sur les raisons qui ont imposé une si longue attente pour un ouvrage d'art relativement modeste. En fait, malgré la bonne volonté des municipalités successives, il fallut attendre le déplacement de l'activité du port de Quimper vers le port du Corniguel pour qu'une passerelle entravant l'Odet à Locmaria fut acceptée par les autorités administratives et maritimes de l'Etat mais aussi par certains professionnels du trafic portuaire local (armateurs, négociants charbonniers, sabliers, marchands de vins, etc.).
La période de la guerre empêcha tout avancée du projet d'établissement d'un port au Corniguel déjà prévu avant l'éclatement du conflit. Elle retarda indirectement la construction d'une passerelle à Locmaria.
Il a fallu finalement attendre 1954 pour que les positions des uns et des autres évoluent et qu'après une interruption de 228 années un nouveau pont permanent relia à nouveau les quartiers du Cap Horn et de Locmaria.
© Archives municipales de Quimper