Détail de l'architecture intérieure du couvent Saint-Antoine.La Révolution transforme l'ancien couvent Saint-Antoine en hôpital de la Charité. Mais dès 1793, Mesgloaguen devient la principale prison de Quimper puis, à partir du Premier Empire Maison d'Arrêt.
Un inventaire des objets mobiliers existants à la date du 26 juillet 1829 nous apprend que les détenus y dormaient dans des hamacs garnis d'un sommier et disposaient d'un seul drap de laine.
C'est l'unique prison disposant d'une infirmerie où sont notamment admises les femmes enceintes de plus de 7 mois.
Parallèlement à l'ouverture de la Maison d'Arrêt, l'ancienne prison royale rue Elie Fréron devient Maison de Justice.
Le bagnard.La maison de Justice fait office de dépôt du tribunal de Quimper.
On y retrouve les prévenus qui ne sont pas encore passés en jugement, les personnes condamnées ayant fait appel ou bien encore en attente de transfert soit vers le bagne, une prison centrale, une maison d'arrêt ou une maison de correction.
La maison d'arrêt, quant à elle, ne reçoit que des prisonniers condamnés à des peines inférieures à 6 ans d'emprisonnement. Dans les deux établissements hommes et femmes occupent des quartiers séparés.
Le 8 janvier 1809, une tempête qualifiée d'ouragan par les contemporains occasionne d'irréparables dommages à la charpente et à la structure de la vieille prison. Le 1er février 1809, le préfet ordonne sa fermeture. Le 7 mars 1810, le maire de Quimper par un nouvel arrêté municipal ordonne la démolition de l'antique geôle.
Vue aérienne de l'ancienne maison de justice de Quimper.On procède alors au déménagement de la Maison de Justice vers la partie la plus ancienne de l'enclos des Ursulines, parcelle aujourd'hui occupée par le cinéma du Chapeau Rouge.
La nouvelle prison s'installe dans une sombre bâtisse, des 17ème et 18ème siècles, élevée sur trois étages et composée de deux corps de bâtiments formant une équerre.
L'ensemble est proche du palais de Justice et de la place Neuve alors pressentie pour servir aux exécutions publiques. On accède à la maison de justice par un guichet d'entrée. Là, une clochette avec sa chaine en fer permet d'appeler le concierge. On accède ensuite à l'ancienne geôle ou la mise sous écrous des prisonniers a lieu.
C'est là que le gardien conserve en 1835 les archives de la prison mais aussi les 39 clefs alors en usage dans l'établissement. Le cachot sert en temps normal à stocker les outils indispensables pour ferrer et déferrer les prisonniers. Lorsque l'on y place un condamné, le puni dort sur un lit de camp de fer auquel le lie une chaîne d'attache.
A partir des années 1840, un corps de garde est aménagé au rez-de-chaussée. Il est destiné aux soldats ou gardes nationaux de service à la prison chargés d'accompagner le concierge dans ses rondes de nuit. Dans la cour, se trouvaient le puits et les latrines.
Les prisonniers sont dans les faits astreints au travail quotidien pendant leur incarcération. Ils en retirent un maigre bénéfice qui doit leur permettre d'améliorer le régime alimentaire ordinaire.
Un atelier de bienfaisance placé sous la direction des Sœurs Blanches du Saint-Esprit occupe tout le rez-de-chaussée et le premier étage du bâtiment. L'atelier est équipé de rouets et de métiers à tisser. On y fabrique de la toile et de la serpillère. Les religieuses assurent elles mêmes la police dans l'atelier et la comptabilité.
Une chapelle meublée de quatre bancs et d'une chaise est dédiée aux deux prières quotidiennes obligatoires. Leur journée de travail accomplie les détenus peuvent regagner leur cellule collective.
Consommation illicite de plantes aromatiques en 1853.Le quartier des hommes est équipé de 20 paillasses et de 20 bois de lits et de 40 couvertures ; celui des femmes de 7 bois de lits et de 12 couvertures. Aucun éclairage ni chauffage pour les prisonniers été comme hiver. On se lève vers 6 heures du matin pour débuter le travail.
L'usage du tabac, la consommation de vins, d'alcools et de drogue (déjà) sont interdits en prison comme en témoigne l'affaire du sieur Lombard, détenu pendant six mois pour offense faite à l'Empereur.
La fourniture du pain de la prison est adjugée annuellement à un boulanger qui bien souvent en abaisse la qualité. Les plaintes des détenus sont nombreuses et souvent fondées. Les boulangers adjudicataires ayant pris pour habitude de donner du bon pain pendant la première quinzaine de jours suivant l'adjudication puis d'en abaisser peu à peu la qualité jusqu'à la fin du marché. Une soupe forme avec ce pain la ration normale du prisonnier. Les légumes frais sont rares.
En l'an XIII, une première commission de bienfaisance est installée par le préfet pour tenter d'améliorer le sort des malheureux prisonniers.
A partir de 1819, une commission municipale des prisons composée de sept membres est à son tour établie. Elle se donne pour premiers objectifs : la suppression des cachots situés en dessous du sol naturel, de défendre la consommation et la vente d'alcool dans la prison, le contrôle des conditions dans lesquels la peine des fers pouvait être appliquée à des détenus violents.
En novembre 1811, on compte à la maison d'arrêt 32 filles vagabondes et prostituées. Quatorze d'entre elles souffrent de maladies vénériennes, trois d'entre elles sont enceintes. En 1836, la maison d'arrêt contient de 71 à 88 prisonniers dont 1/3 de femmes. La maison de Justice, quant à elle, héberge, selon les époques de l'année, de 11 à 59 détenus.
Ainsi près d'une centaine de détenus est présente à Quimper tout au long de l'année. La présence d'enfants et d'aliénés est courante. Maintien d'un nouveau-né à la maison d'arrêt 1854.
Parmi les femmes, certaines mères condamnées demandent à conserver leur enfant nouveau-né à leur côté en dépit des conditions difficiles de la détention.
A l'exemple de Jeanne Tourmen, enceinte, et emprisonnée pour deux ans en juillet 1836. Elle va, après son accouchement, conserver son enfant en prison pendant quatre mois (durée de l'allaitement maternelle) puis celui-ci lui est retiré pour être placé au rang des enfants abandonnés à l'hospice civil. Jeanne, quant à elle, est transférée à la prison de Rennes.
Parmi les prisonniers existe une catégorie à part de détenus, ce sont les prisonniers de guerre.
Pendant les guerres de l'Empire, Quimper héberge également de nombreux prisonniers de guerre. En novembre 1811, l'équipage provenant de la frégate anglaise Le Niémen est ainsi incarcéré à la prison de Mesgloaguen. En décembre 1811, l'équipage du navire anglais L'Alicia est à son tour écroué à la maison d'arrêt. En février 1814, on établit un dépôt de 800 prisonniers de guerre espagnols dans l'ancien couvent du Calvaire.
François Vidocq est certainement l'évadé le plus célèbre de Quimper. Avant de devenir chef de la Sûreté de l'Empereur, il fut condamné comme bagnard, évadé de Brest en 1798, il est repris et incarcéré à Quimper. Simulant une maladie, après avoir volontairement ingurgité du jus de tabac, il parvient à se faire admettre à l'hôpital d'où il s'évade déguisé en femme.
Plan de la maison de justice de Quimper.Autre évasion, en 1811, dans la nuit du 5 au 6 novembre, Louis Ménager prisonnier hospitalisé à l'hospice de Quimper parvient avec la complicité d'une prostituée de Pont-l'Abbé à s'évader, déguisé en femme. Ce gascon mesurant 1 mètre 50, à la figure maigre, chétif et effilé de corps réussit sans grandes difficultés et à la faveur de la nuit tombée à se faire passer pour une paysanne. Il quitte la ville sans attirer l'attention.
En 1840, deux autres condamnés à perpétuité parviennent à se déférer mais leur tentative est découverte par les gardiens. En 1852, nouvelle tentative, la femme Jeanne Kerfriden apporte un grand pain à son mari condamné à perpétuité. Elle y a caché deux limes qui doivent lui permettre de couper ses fers. Là aussi, les gardiens découvrent l'affaire.
Des enfants sont également détenus parmi les bagnards les plus endurcis. En septembre 1842, Louis Abraham alors âgé de 13 ans vient d'être condamné à 20 mois de détention dans une maison de correction. L'enfant est atteint de la teigne. Il profite de son transfert temporaire à l'hospice pour s'en échapper. En 1848, un autre jeune détenu, tente de s'évader par la cour au fumier où il allait vider son baquet. Il est rattrapé. Le cachot sera sa seule récompense.
Les détenus sont astreints au respect strict du règlement. Toute infraction fait peser sur eux la menace de sanctions sévères.
Le 6 avril 1831, un prisonnier récalcitrant montre son désaccord à la Sœur Eulalie du Saint Esprit, chargée de la gestion de l'atelier de bienfaisance. La sœur n'hésite pas un instant « Jamais personne n'a poussé plus loin l'effronterie. Je n'ai pas balancé à le faire mettre au cachot en attendant ce que vous en déciderez » écrit t'elle le jour même au maire. La simple menace verbale de décoiffer une religieuse vaut huit jours de cachots à 3 prisonnières en juillet 1855.
En 1847, Jean Grall est placé au cachot pendant 4 jours pour avoir dégradé l'intérieur de son lit en sautant dessus avec ses sabots.
L'article 3 du règlement de la prison prévoit l'obligation faite aux prisonniers d'assister matin et soir à la prière (sans distinction des cultes). Le 20 avril 1839, deux détenus refusent pourtant d'y assister au nom de la Charte constitutionnelle de 1830 qui laisse à chacun la liberté de conscience. Le 20 septembre 1848, deux femmes détenues sont condamnées à 3 jours de cachot pour avoir perturbé la prière.
Les vols entre prisonniers sont également punis. Marie Leren est condamnée au cachot pour un vol de 0,50 francs commis sur une autre détenue le 17 octobre 1847. Il en est de même pour les bagarres entre détenus généralement sanctionnées par trois à six jours de cachots. La maison de justice de Quimper transformée en poste en 1921.
Certains détenus ne supportent pas ce régime. En 1836, un condamné dénommé Masson est signalé au préfet comme refusant de s'alimenter. Des tentatives de suicides sont régulièrement rapportées certaines, telle celle de Jean-Baptiste Chaquelin, ne peuvent être déjouées à temps. Le condamné, ancien conducteur de diligence est retrouvé pendu aux barreaux de sa cellule de la maison d'arrêt le 16 juillet 1846.
Ces deux établissements pénitentiaires vont remplir leurs missions jusqu'au lendemain de la première guerre mondiale. Les conditions de détention s'améliorent peu à peu au fil du temps. En 1920, un premier regroupement a lieu. La maison de justice disparaît et l'ensemble des détenus est désormais écroué à la maison d'arrêt de Mesgloaguen. Les portes de celle-ci se referment définitivement en 1990.
© Archives municipales de Quimper