Depuis 1801 le Concordat napoléonien régit en France les rapports entre le Gouvernement et l'Eglise catholique. La fin du XIXème siècle se signale par de violentes tensions entre le pouvoir républicain et l'Église catholique, l'un et l'autre se disputant la conduite morale de la société.
Les républicains partisans de la laïcité sont favorables à la séparation des affaires religieuses et politiques. Ils se divisent en deux camps. Celui des héritiers de la tradition jacobine, très anticléricaux et représenté par la ligne d'Emile Combes : ils souhaitent rejeter la religion chrétienne dans le domaine strictement privé.
D'autre part, un second groupe, majoritaire (Jean Jaurès, Aristide Briand...) veut affirmer la neutralité de l'État à l'égard de toutes les croyances tout en garantissant la liberté de conscience de chacun en conformité avec la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Evêché de Monseigneur Dubillard rue de Rosmadec.
Dans un premier temps, les anticléricaux l'emportent avec l'accession d'Émile Combes à la Présidence du Conseil. Celui-ci rallume la guerre religieuse en obtenant, à la suite de la loi sur les associations, la fermeture brutale et sans nuance des écoles religieuses et l'interdiction d'enseigner aux prêtres des congrégations.
Il s'agit de mieux contrôler l'influence des quelques 200 000 membres des congrégations religieuses existantes. La loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association est l'instrument de cette politique. Les congrégations non autorisées sont désormais dissoutes de plein droit et leurs biens soumis à liquidation.
Entre 1902 et 1905 une lutte sans précédent est organisée contre les congrégations religieuses. A Quimper le 18 août 1902 une manifestation mobilise les foules catholiques. Le soir même une contre-manifestation organisée cette fois par les anticléricaux dégénère. Les fenêtres des maisons de plusieurs personnalités cléricales quimpéroises sont brisées à jets de pierres.
Au plan national le départ de Combes permet un certain apaisement des esprits mais la loi de séparation va relancer la confrontation.
Le 9 décembre 1905, le député socialiste Aristide Briand présente la loi concernant la séparation des Eglises et de l'Etat. Elle doit être appliquée aux quatre confessions alors représentées en France : le catholicisme, la confession d'Augsbourg (les protestants luthériens), les réformés (les protestants calvinistes) et les israélites.
La Loi de 1905 invente la laïcité à la française, elle proclame la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes.
Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes[...]. »
Article 2 : «La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte[...]»
Par cette loi, l'État manifeste sa volonté de neutralité religieuse mais ne s'exonère pas de ses responsabilités. Il veut «garantir» à chacun les moyens d'exercer librement sa religion dans le respect de celle d'autrui. Pour autant, l'État n'entend en aucune façon limiter la liberté de conscience.
Sur le plan financier, la loi de 1905 connaît deux conséquences majeures :
D'une part, les ministres des cultes (évêques, prêtres, pasteurs, rabbins...) ne sont plus rémunérés par l'État et celui-ci se désintéresse totalement de leur nomination.
D'autre part, les biens détenus précédemment par les Églises deviennent la propriété de l'État qui se réserve le droit de les confier gratuitement aux représentants des Églises en vue de l'exercice du culte. Le préfet Collignon.
Avec le recul du temps, l'opération va s'avérer plutôt positive pour les Eglises. En effet, les ministres du culte et en particulier les évêques vont gagner en indépendance vis-à-vis des autorités politiques et administratives.
Par ailleurs, les Églises ne vont plus avoir à leur charge l'entretien très coûteux des édifices cultuels (cathédrales, églises, temples...) préexistant à la loi de 1905.
Elles ne devront plus qu'assurer l'entretien courant de ces édifices. Quant à ceux acquis après la loi de 1905, ils seront leur propriété pleine et entière.
Quelques protagonistes de l'année 1905 à Quimper :
Théodore Le Hars (au centre).L'autorité de l'état est représentée à Quimper par le préfet Collignon, en poste de 1899 à 1906. Il deviendra par la suite secrétaire général de la Présidence de la République puis conseiller d'Etat. En 1914, âgé de 58 ans, il s'engage comme simple soldat et tombe à Verdun en 1915.
Le diocèse de Quimper est dirigé par Monseigneur François Virgile Dubillard. Né en 1845, sacré évêque à Besançon le 24 février 1900, il fait son entrée solennelle à Quimper le 22 mars de la même année. Quimper est donc le premier siège épiscopal occupé par ce prélat. En 1908 Monseigneur Duparc lui succède.
Théodore Le Hars est à cette époque à la tête de la municipalité Quimpéroise. Républicain de gauche très modéré, il est élu en 1903 puis réélu en 1918. Il devient sénateur en 1921. Il décède dans un accident de voiture en 1928.
Les archives composant la série I des archives municipales (police et justice) permettent de connaître approximativement la chronologie des événements quimpérois. Partisans et opposants de la loi de 1905 s'affrontent dans la presse locale en attendant les prochaines élections.
Les associations de républicains et les cercles catholiques se réunissent chacun de leur côté, comptant leurs forces et proposant des conférences publiques. Puis vient le temps des premières manifestations notamment lors des processions religieuses. Manifestations du 18 août 1902 à Quimper.
En avril 1906, une personnalité catholique, l'amiral de Penfeuntenyo, appose des placards concernant les associations cultuelles sur les portes de la cathédrale lors d'une manifestation cléricale.
La tension monte réellement à partir d'août 1906. Les sermons des prêtres se font plus violents. Le matin du 19 août 1906, l'abbé J. C. Coat, curé archiprêtre de la cathédrale Saint-Corentin s'exclame en chaire à prêcher : « Il faut que les chrétiens sachent défendre l'Eglise jusqu'à leur sang ».
L'évêque de Quimper dans sa lettre circulaire du 24 août 1906 prêche la résistance «comme aux jours des inventaires» et déclare «que la lutte sera vive mais qu'elle sera soutenue avec énergie, même, s'il le faut aux prix de la prison, de l'exil, de la mort». Le commissaire de police quimpérois de conclure «la plupart de ceux qui ont lu ces lignes y voient un appel aux armes non déguisé».
Le 13 octobre 1906 l'évêque de Quimper convoque secrètement les chanoines, curés et doyens de son diocèse pour le 29 courant. Le 19 octobre il invite les desservants ou recteurs des campagnes à se concerter avec leur doyen au sujet des questions qui allaient être traitées à la réunion. L'évêque souhaite ainsi pouvoir décider en toute connaissance de cause des mesures à adopter par suite de la Séparation.
Les principales questions à débattre sont :
Premièrement les ressources pour assurer l'exercice du culte et l'entretien du clergé, deuxièmement les mesures à prendre au sujet de la loi de séparation et troisièmement s'assurer si des tentatives ont été faites pour former des associations hérétiques ou schismatiques.
Le 29 octobre 80 prêtres pour la plupart des chanoines et des doyens se réunissent au Grand Séminaire sous la présidence de l'évêque. Le même jour, l'évêque de Vannes vient rencontrer son homologue quimpérois.
Dans le but de tromper l'opinion et la police, quelques prêtres ont été chargés de répandre le bruit que la réunion a pour but d'aviser des moyens de constituer des associations cultuelles, d'autres font entendre qu'il ne s'agit que d'examiner la situation des prêtres en vue de leur avancement.
Au cours de la réunion, le curé de la cathédrale Leroy fait adopter au nom de l'évêque une déclaration importante.
© Archives municipales de Quimper