Expulsion du séminaire de Quimper L'inventaire des biens ecclésiastiques est nécessaire pour l'exécution de la loi. Une circulaire du 2 janvier 1906 oblige en particulier les prêtres à ouvrir les tabernacles pour faire l'inventaire des vases sacrés. Beaucoup de catholiques y voient uneforme de profanation.
En de nombreux endroits, les inventaires effectués sans ménagement réveillent les rancœurs et entraînent une nouvelle fois le pays au bord de l'affrontement. A Quimper le palais épiscopal, les établissements d'enseignement religieux, les églises et les presbytères sont tour à tour concernés par cette mesure.
A la suite du concordat, l'évêque de Quimper avait repris possession de l'ancien palais épiscopal vendu comme bien national en 1792 puis racheté par le Département en 1809. La loi de 1905 met en demeure l'évêque de libérer l'évêché et de trouver un nouvel hébergement, sauf à payer désormais un loyer.
Le 23 août 1906, le commissaire de police de Quimper écrit à ce propos «s'il faut en croire les bruits qui se répandent en ville, Mgr. Dubillard, évêque de Quimper se proposerait dans le cas où il devrait changer de résidence, d'aller habiter non plus le château de Créachcadic mais le collège Saint-Yves rue Feunteunic Al Lez. On dirait la messe à la chapelle privée qui est située entre la rue du Frout et le quai». Arrivée de l'évêque de Quimper à Saint-Joseph
Le 5 décembre l'évêque Dubillard refuse de recevoir l'inventaire des biens de la cathédrale de Quimper. Le 10 décembre 1906, le commissaire de police de Quimper lui remet au nom du préfet la lettre par laquelle il lui est indiqué qu'à partir du 11 courant il n'aura plus droit à la jouissance gratuite de l'évêché.
Le prélat de déclarer alors : «On m'expulsera, s'il le faut ! Pour moi je ne céderai pas, j'introduirai un référé....ou plutôt je me ferai traduire en police correctionnelle...Je tiens à ce qu'il y ait une décision correctionnelle». En dépit de ces déclarations l'évêque prépare néanmoins son déménagement.
En décembre 1906, pendant plusieurs jours, de nombreuses charrettes chargées de meubles et d'effets divers quittent l'évêché pour Saint-Joseph. Le 12 décembre dans l'après midi, les collections de statuaires religieuses du musée de l'évêché sont également chargées à bord de voitures à destination de saint-Joseph.
Le 6 janvier 1907 l'évêque de Quimper quitte définitivement l'ancien palais épiscopal à l'issue des vêpres, se rendant de la cathédrale à sa propriété de Saint-Joseph, siège du nouvel évêché, vieille route de Douarnenez (actuelle rue de Rosmadec).
Il est entouré de plusieurs personnalités catholiques de la région : de Chamaillard, Mauduit, de Couesnoncle, Du Feigna de Keranforest, Jacquelot de Boisvouvray, de Pompery, de Ploeuc. 400 fidèles suivent le départ de leur évêque devant une foule de 4 500 curieux. Aucun incident ne vient marquer l'évènement.
Le Grand Séminaire de Quimper à défaut de s'être transformé en établissement d'enseignement supérieur privé est considéré comme ayant un caractère illicite. Son personnel administratif et enseignant et les élèves doivent se disperser au plus tard le 14 décembre 1906, date de l'expiration du délai fixée par la loi du 9 décembre 1905. Expulsion du séminaire de Quimper.
A cette date, l'établissement, évacué de ses occupants, sera placé sous séquestre. Le 14 décembre au soir les séminaristes s'attendant à être expulsés se barricadent à l'intérieur pour y passer la nuit. Les militants les plus engagés du mouvement catholique et royaliste soutiennent cette manifestation.
Le 15 décembre 1906, l'évêque de Quimper reçoit une mise en demeure d'évacuer le Grand Séminaire. Le 17 décembre une foule de 500 manifestants est réunie devant le bâtiment. Les cléricaux ont prévu de faire sonner le tocsin pour appeler à l'aide lorsque les forces de l'ordre procéderont à l'expulsion. Mais ils attendent en vain. Rien ne se fait du côté des autorités.
Le 24 janvier 1907 des charrettes chargées de mobiliers quittent le séminaire. Le 30 janvier 1907 les séminaristes sont expulsés par les forces de gendarmerie. Messieurs de Monluc de la Rivierre et de Pompery, propriétaires sont arrêtés, le premier pour avoir crié «à bas le préfet !», le second pour avoir déclaré au préfet qu'il faisait «une sale besogne». Expulsion du séminaire de Quimper.
L'après midi même les deux prévenus comparaissent à l'audience des flagrants délits. Ils sont condamnés à 8 jours d'emprisonnement avec sursis. Deux femmes, toutes deux domestiques sont également arrêtées pour outrage à l'encontre des forces de gendarmerie puis finalement relâchées.
Quant aux jeunes séminaristes expulsés, après avoir entendu une messe à la cathédrale, ils prennent pour la plupart le train dans l'après midi pour rentrer dans leurs familles. En définitive, à Quimper l'opinion publique se montre peu émue de cette expulsion. En mars 1907 les prêtres commencent à quêter de maison en maison pour recueillir auprès des catholiques l'argent nécessaire à la reconstitution du séminaire.
Le 23 août 1906 l'architecte de la ville, M. Pairaud, mandaté par le liquidateur judiciaire pour dresser un état de la propriété des dames du Sacré Cœur, rue bourg les bourgs reçoit une fin de non recevoir de la supérieure de la congrégation. Les religieuses reçoivent la notification d'avoir à quitter leur établissement au plus tard à la date du 1er septembre. Les forces de l'ordre mobilisées (archives diocésaines).
Mais dès le 13 août 1907, les premières religieuses quittent Quimper pour Lorient. Elles sont accompagnées jusqu'à la gare par une cinquantaine de dames de la bourgeoisie quimpéroise. De là, elles rejoignent Nantes, l'Angleterre ou la Belgique.
Le 21 août d'autres religieuses du Sacré Cœur partent pour Paris sous les cris de «Vives les sœurs !» scandés par une soixantaine de personnes venues les soutenir. Le matin du 27 août 1907, le Sacré Cœur est totalement évacué sans incident.
Dès l'été 1906, les frères du Likès se préparent à quitter leur établissement en application de l'arrêté ministériel du 12 juillet. Les frères doivent être répartis entre divers établissements à Brest, Lorient et Jersey. Le 3 septembre 1906 le mobilier du noviciat du Likès est transporté à la gare par les frères. Monseigneur Dubillard quitte l'évêché pour Saint-Joseph (archives diocésaines).
Le 8 octobre 1906, les frères des écoles chrétiennes se soumettent à l'arrêté de fermeture les concernant. Le 18 mai 1907 l'établissement est vendu aux enchères à l'audience des criées du tribunal civil de la Seine pour une mise à prix de 60.000 francs. Il est acheté par Eugène Bolloré, président de l'amicale des anciens élèves du Likès pour la somme de 63 000 francs.
Le bâtiment est loué pendant une douzaine d'années à l'évêque qui y installe le petit séminaire. Pendant la Grande Guerre, les bâtiments sont réquisitionnés et un hôpital militaire y installe ses lits. En 1919, le Likès retrouve sa fonction d'établissement d'enseignement, M. Bolloré ayant transmis la propriété des lieux à la «société anonyme du Likès» depuis 1917.
mgr dubillard quitte l'évêché pour st joseph (2).Dans les campagnes environnantes les inventaires se déroulent sans incident grave. Les autorités ont exhibé la force armée pour ne pas avoir à l'utiliser.
Le 20 novembre 1906 un train spécial quitte Quimper. A son bord se trouve le commissaire de police de Quimper Judic chargé d'assister le percepteur de Rosporden dans ses missions d'inventaire.
La mission des deux fonctionnaires est placée sous la protection de 14 gendarmes, de 40 chasseurs à cheval et d'une compagnie d'infanterie du 118ème Régiment d'Infanterie.
Quatre sapeurs du génie et deux ouvriers civils appuient également cette colonne armée. Arrivé à Rosporden, ils procèdent aux inventaires à Elliant, Coray, Landudal, Edern, Landrévarzec, Ergué-Armel, Saint-Evarzec, Pleuven, Clohars-Fouesnant, Gouesnarc'h et Plomelin.
Hormis quelques portes fermées à clef qu'il a fallu forcer, les autorités ne rencontrent pas de résistances actives. L'attitude du clergé demeure calme.
Le commissaire de police de Quimper écrit le 23 novembre 1906 «Presque partout les prêtres ont paru résignés. L'un d'eux, semblant résumer le sentiment de tous, m'a dit : Je n'approuve pas cette loi, je proteste contre l'inventaire, mais il faut bien que je laisse faire... qu'est ce que je pourrais faire contre toutes ces forces ?»
Le commissaire de poursuivre : «Nulle part, je n'ai trouvé de rassemblement considérable. Les inventaires se sont fait au milieu de l'indifférence générale. Pas une violence, pas une injure à relever. Je n'ai pas d'avantage rencontré de personnages politiques».
Après les églises, les autorités vont prendre possession des presbytères désormais propriété communale. En février 1907, le conseil municipal fixe le prix des loyers des différents presbytères des paroisses de la ville. Les clergé paroissial de Saint-Corentin reçoit l'injonction de libérer les locaux au plus tard le 1er septembre. Le pensionnat Sainte-Marie en 1905.
Les expulsions débutent le 6 septembre là aussi dans l'indifférence générale et sans incident notable. Le même jour, les Ursulines sont également expulsées de leur établissement et se retirent dans le couvent de la Retraite, rue des Réguaires.
Le service d'ordre dissuasif, mis en place comprend, il est vrai, 25 gendarmes à cheval, 20 à pieds et 12 agents de police. Mais aucun rassemblement spontané ou organisé des catholiques ne vient contrecarrer ces expulsions. La ville de Quimper reste calme.
A l'époque de la crise de 1905 un singulier personnage parcourt la campagne quimpéroise. A t'on affaire à un vrai mendiant, à un simple fou ou à faux prophète ? Le commissaire de police rapporte néanmoins au préfet cette étonnante histoire.
Les églises devenues des propriétés publiques, les manifestations s'y déroulant sont assimilées à des réunions publiques. Hors, la loi du 30 juin 1881 impose que toute réunion publique (y compris désormais les célébrations religieuses) fasse l'objet d'une déclaration préalable.
Le clergé quimpérois refuse d'effectuer ces déclarations. En conséquence, des dizaines de procès-verbaux d'infraction sont dressés par la police à l'encontre des prêtres qui célèbrent les messes sans en avoir informé l'autorité administrative. Le cas de l'abbé Louis Odeye, jeune vicaire de 26 ans, de la paroisse Saint-Mathieu est représentatif. Les forces de l'ordre mobilisées (archives diocésaines).
Ayant célébré le 14 décembre 1906 à 7h30 du matin une messe devant une soixantaine de fidèles, le garde champêtre accompagné d'un agent de police lui dresse un procès verbal d'infraction.
L'affaire passe devant l'audience du juge de paix de Quimper. L'abbé est défendu par un avocat quimpérois, M. du Rusquec qui obtient l'acquittement du prêtre le mercredi 1er février 1907. Le commissaire de police décide le 6 février de se pourvoir en cassation. Des manifestations de soutiens viennent ponctuer les audiences.
Le 28 mars 1907, une nouvelle loi autorise le clergé à célébrer son culte sans déclaration préalable. D'une manière générale, la jurisprudence administrative légitime les manifestations publiques qui satisfont à des traditions locales et à des habitudes (enterrements religieux etc.).
Il va appartenir au gouvernement Clemenceau de rétablir la concorde entre les Français. Le président de la République Armand Fallières et le ministre de l'Instruction publique et des Cultes Aristide Briand vont s'y attacher.
Après la 1ère guerre mondiale, l'Etat souhaite sceller durablement dans la paix l'union de tous les Français.
Signe des temps, le gouvernement décide tout à la fois d'honorer Gambetta, illustre fondateur de la IIIème République, en transférant au Panthéon le cœur du «Saint républicain» et d'honorer le souvenir de Jeanne D'Arc en proclamant fête nationale le deuxième dimanche de mai.
Par ailleurs, les relations diplomatiques sont finalement rétablies entre Paris et le Vatican. Tout n'est cependant pas réglé ; en effet, en 1924, l'affrontement entre laïcs et cléricaux ressurgit au plan national. Quimper connaît alors de nouvelles manifestations.
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