A travers sa longue histoire, Quimper n'a guère suscité l'enthousiasme des monarques qui y portaient peu leur regard et encore moins souvent leurs pas. Chacun se souvient de la célèbre fable « le charretier embourbé » que La Fontaine a situé :
« Dans un certain canton de Basse-Bretagne, appelé Quimper-Corentin, On sait assez que le destin, Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage, Dieu nous préserve du voyage ! » Manifestation bretonne à Quimper
Il faut le reconnaître. L'on peut dresser rapidement la liste des rois et princes à s'être aventurés jusqu'à la capitale de la Cornouaille. En 1505, Anne de Bretagne, duchesse et reine de France, fille et héritière du dernier duc François II et épouse en seconde noce de Louis XII visita Quimper, venant d'Hennebont.
En août 1644 c'était au tour d'Henriette d'Angleterre fille d'Henry IV et épouse du roi d'Angleterre Charles Stuart de faire halte à Quimper. En 1689, le 24 mars, le roi d'Angleterre, le catholique Jacques II, réfugié en France réalisa un court passage à Quimper. Puis c'est un long silence. Jusqu'en juin 1782.
Quimper hébergea alors le temps d'une courte étape le comte du Nord en visite en France. Sous ce titre exotique se cachait en fait le prince héritier Paul Pétrovitch, futur tsar Paul Ier de Russie et fils de la Grande Catherine II.
Un petit nombre de visites attendues par les Quimpérois furent finalement reportées puis annulées.
L'empereur Napoléon I devait venir à Quimper en 1808. Venant de Lorient et se rendant à Brest il devait faire étape à Quimper. Une garde d'honneur composée d'un détachement de la garde nationale devait aller au devant de l'empereur. L'Empereur était attendu vers la fin du mois de juin. Napoléon Ier.
La crainte d'un attentat des chouans et des agents royalistes était grande. A la demande du maire, la police municipale et la gendarmerie multiplièrent à partir du 13 juin 1808 les contrôles et les visites quotidiennes des logeurs de la ville.
Par ailleurs, les caisses municipales étant à peu près vides ; il ne restait que 900 francs sur la caisse des dépenses d'administrations et imprévues, les membres du conseil municipal considérant « que la ville ne pouvait se dispenser de rendre au héros pacificateur de l'Europe, les honneurs dus à sa dignité » fut unanimement d'avis qu'une somme de 6000 francs «la moindre que la ville puisse dépenser dans une circonstance aussi solennelle» fut votée.
Malheureusement ou heureusement pour les finances municipales, la visite de Napoléon fut reportée puis annulée en raison de nouveaux éléments politiques et de la guerre d'Espagne.
Autre temps, autre régime, en juin 1893, la ville de Quimper s'apprêtait à accueillir le président de la République Sadi Carnot. Un banquet breton devait être le grand moment de cette visite officielle. A cette occasion, une médaille frappée à 110 exemplaires, des bijoux bretons de fantaisie devait être distribués et témoigner de cette visite. Lithographie de Deyrolles pour la venue de Sadi Carnot.
Enfin une lithographie était commandée à l'artiste peintre concarnois Théodore Deyrolles. L'œuvre avait pour thème un sujet breton représentant une délégation des principales villes de Cornouaille en costumes traditionnels, défilant rue Keréon. Elle fut tirée à un millier d'exemplaires.
La visite du président était prévue à la date du 23 juin 1893. Rien n'avait été laissé au hasard, un copieux et somptueux déjeuner pour les membres de la presse était même organisé. Mais des problèmes de santé empêchèrent au dernier moment la visite du chef de l'Etat, à la grande déception des Quimpérois qui adressèrent au président leurs meilleurs vœux de rétablissement.
Quimper espérait malgré tout une nouvelle visite présidentielle. Hélas, le 24 juin 1894, soit un an presque jour pour jour, le président de la République en visite à Lyon tombait sous le poignard de l'anarchiste Caserio
Si dans le première moitié du XIXème siècle aucun monarque ou chef de l'état n'effectua de visite officielle à Quimper, quelques membres des dynasties régnantes firent néanmoins étape à Quimper.
Ainsi en 1814, Le duc d'Angoulême, fils aîné du comte d'Artois futur Charles X, Grand amiral de France s'attache à une visite d'information dans l'Ouest alors réputé favorable au régime royaliste restauré. Le duc fait étape à Quimper le 29 juin. La ville de Quimper est alors pavoisée aux couleurs royales.
Le vice-amiral, prince de Joinville, troisième fils de Louis-Philippe 1er, roi des Français (1830-1848) fut chargé en 1840 de rapporter de l'île Sainte-Hélène les restes de Napoléon 1er. Il dirigea la mission visant au retour de la dépouille de Napoléon en France. Il fut également reçu à Quimper et une députation d'enfants et de femmes volontairement vêtus de costumes traditionnels de la Cornouaille lui fut présentée à cette occasion. Affiche de la visite du Comte de Nemours à Quimper.
C'est probablement l'une des premières manifestations publiques du folklore breton et de la conscience du particularisme breton et certainement le premier défilé de costumes traditionnels bretons.
Le duc et la duchesse de Nemours furent accueillis à Quimper le 2 septembre 1843. Le duc avait été marié en 1840 à la princesse Victoria de Saxe-Cobourg (cousine germaine de la reine Victoria). Le passage du couple princier fut annoncé aux quimpérois par une salve de 21 coups de canon. Un arc de triomphe avait été établi à l'entrée de la ville.
Le corps municipal, la garde nationale et les troupes de la garnison leur rendirent les honneurs. Cette visite fut l'occasion d'une distribution aux indigents de secours exceptionnels. Après un bal donné sur l'actuelle place de la Résistance, les cloches de la ville accompagnèrent d'une nouvelle salve de 21 coups de canon le départ du couple princier.
Napoléon III se fait proclamer empereur des Français à la suite du coup d'état du 2 décembre 1852. La Bretagne qui avait massivement approuvé le rétablissement de l'Empire bénéficia des faveurs du régime. Avis à la population
Venant de Brest le cortège impérial quitta la cité du ponant le 12 août 1858. Le cortège protocolaire se dirigea, en chaise de poste vers Quimper. Une garde d'honneur de cavaliers bretons faisait escorte au couple impérial. C'était le premier chef d'état français à visiter Quimper. Le maire, Edouard Porquier reçu solennellement l'empereur. L'entrée de Napoléon III dans Quimper eut lieu le 12 août à 4 heures 30 .
Un arc de triomphe avait été dressé à son intention à l'entrée de la ville. Une réception des notabilités se déroula à la préfecture. Une sélection de chevaux bretons eut lieu devant l'Empereur sur les allées de Locmaria. Le soir la Bretagne fut à l'honneur. De Plogastel-Saint-Germain l'on fit venir un couple de sonneur, Pierre et François Quiniou, qualifiés "d'excellents binious" tandis que de Quimperlé on fit appeler un autre sonneur réputé, un nommé Mathurin alias Mathilin An Dall. Napoléon III.
Un grand bal breton et un important feu d'artifice achevèrent cette journée mémorable. On fit appel à un parisien, le sieur Ruggieri, artificier de l'empereur. Le couple impérial sembla ravi de son séjour. A la suite de cette heureuse visite, plusieurs projets quimpérois reçurent l'appui notamment financier de l'état.
C'est ainsi que Quimper pu réaliser le quai reliant la nouvelle gare au centre historique mais aussi prolonger le chemin de halage. Différents dons bénéficièrent également aux pauvres de la ville de Quimper.
Patrice de Mac Mahon fut élu président de la République le 24 mai 1873. Il effectua un premier voyage officiel en Bretagne à une époque où le régime républicain peinait encore à s'enraciner. Le président de la république arriva de Brest par le train à le 22 août 1874 à 9 heures 16 du matin. Patrice de Mac Mahon.
Accueilli par le maire et le conseil municipal et escorté d'un détachement de la compagnie des sapeurs pompiers, le président de Mac Mahon se rendit, étape obligée, à la préfecture. Cette première étape fut suivie d'une visite à la cathédrale puis d'une étape à l'hospice, à l'asile des aliénés et enfin à la caserne.
A 11 heures une réception officielle était donnée à la préfecture. A 14 heures le maréchal président passait en revue les troupes sur le champ de bataille. La visite s'accompagna d'une distribution de secours aux indigents réalisée par les dames du bureau de bienfaisance.
L'accueil des Quimpérois fut certes sympathique mais peu enthousiaste. Quelques cris de vive la République et de vive le président, assez peu nombreux signalèrent l'attachement d'une minorité de Quimpérois et l'expectative de la majorité.
La visite officielle de président Félix Faure le 8 août 1896 donna lieu à un compte dans le journal «La presse industrielle» de septembre 1896. Félix faure.
« La réception faite au président était remarquable. De tous côtés le pavois était merveilleux, le parc surtout, cette superbe promenade de Quimper, était particulièrement décoré. Après la visite à l'hospice, visite au cours de laquelle le docteur Coffre a été décoré, et un arrêt à la préfecture, M. Félix Faure a quitté Quimper où rarement on avait vu pareil enthousiasme, à 11 heures 35 minutes, non sans avoir remercié vivement le maire, M. Porquier et tout le conseil municipal, le chargeant de transmettre l'expression de toute sa satisfaction aux habitants de la ville ».
Le cortège présidentiel se composait de 8 voitures à cheval, escortées par un escadron du 3ème régiment de dragons, les troupes de ligne, la police et la gendarmerie composant un premier cordon de sécurité. Une illumination générale de la rue du parc, de la place Saint Corentin et des flèches de la cathédrale fut réalisée à cette occasion.
Moins de trois années plus tard, le 16 février 1899, le président Félix Faure que les Français surnommaient affectueusement le «président soleil» en raison de son goût du faste connaissait sa «mort heureuse». Ce président emblématique de la Troisième République est en effet surtout resté dans les annales pour être mort à l'Élysée dans les bras de sa maîtresse et avoir donné à cette occasion matière à son adversaire Clemenceau à quelques bons mots restés célèbres.
A l'annonce de la disparition du président Faure, la municipalité Quimpéroise respecta le deuil national qui frappa le pays.
Les Quimpérois allaient devoir attendre 34 ans avant d'avoir l'honneur d'accueillir à nouveau dans leurs murs le premier magistrat de la République.
© Archives municipales de Quimper