Le projet de création d'une Zone à Urbaniser en Priorité (ZUP) à Kermoysan, dans le quartier de Penhars, est né en 1962 dans l'objectif de répondre à la crise du logement à Quimper. Le bourg de Penhars avant la seconde guerre mondiale.
Le logement était d'ailleurs à l'époque une priorité nationale, suite aux destructions de la guerre. En 1958, une loi sur les ZUP donne aux communes des facilités pour acquérir des terrains agricoles et y construire rapidement un grand nombre de logements. Dans les villes françaises, on va assister un peu partout au développement de « cités » composées de grands immeubles.
A Quimper précisément, plusieurs problèmes de logement se posent. L'habitat est souvent insalubre : en 1956, un tiers des logements n'a pas l'eau courante et deux sur dix n'ont pas accès à l'électricité.
La Ville de Quimper dispose de peu d'espace et beaucoup de familles s'entassent dans de petits logements ; les loyers sont élevés. Ce problème est partiellement résolu avec la création du Grand Quimper en 1960 : les espaces ruraux situés sur les communes de Penhars, Kerfeunteun et Ergué-Armel vont être progressivement transformés en zones résidentielles.
Mais on prévoit encore un accroissement de la population, lié aux transformations économiques de la société : les ruraux vont, de plus en plus, venir s'installer dans les villes pour travailler dans les industries.
Le taux de chômage relativement important rend encore plus sensible la cherté des loyers. Immeubles en construction, boulevard de France.
Un service intercommunal du logement est créé en 1945 pour Quimper et les communes limitrophes. Il est remplacé en 1949 par l'Office public intercommunal d'Habitations à Loyer Modéré.
Dans les archives de la commune de Penhars, et notamment dans la correspondance du maire, on retrouve des témoignages sur la crise du logement entre 1945 et 1960 :
> Lettre du Préfet du Finistère suggérant la création d'habitations à bon marché, datée du 21 juin 1948
> Lettre de l'Association Familiale demandant à la municipalité de prendre des mesures pour résoudre la crise du logement, en date du 7 mars 1957
> Lettre du député Hervé Nader attirant l'attention du maire sur le cas de personnes mal logées, datée du 16 janvier 1959
Dans ce contexte, la municipalité quimpéroise menée par le socialiste Yves Thépot décide en 1962 la création d'une ZUP à Kermoysan. Vue aérienne de la rocade.
Ce site est retenu parce qu'il constitue une zone relativement déserte de la banlieue quimpéroise. C'est un bel endroit, boisé, ensoleillé, offrant une vue panoramique sur l'Odet et le centre-ville. La zone dans laquelle s'élèvera la ZUP a une superficie d'une cinquantaine d'hectares. Elle est bordée au Nord par le bourg de Penhars, au Sud par le lotissement du Merdy, à l'Ouest par le bois de Kerjestin, et à l'Est par les quartiers d'habitation longeant la route de Pont-l'Abbé.
Le dossier définitif sera présenté en 1965 par l'architecte Henry Auffret, et les travaux débuteront cette même année.
Le projet ayant été reconnu d'utilité publique (dossier présenté par la Ville), cela va permettre à la SEMAEB (Société d'Economie Mixte pour l'Aménagement de la Bretagne) qui a en charge la réalisation de la ZUP, toute latitude pour acquérir les terrains correspondants, par voie d'expropriation si nécessaire.
Il s'agit de construire, le plus rapidement possible, un ensemble de logements à loyers modérés. Certains logements seront gérés par l'Office HLM, d'autres feront partie du parc privé. Mais il ne suffit pas de construire des logements : on veut créer un quartier relativement autonome, satellite de Quimper.
Le projet intègre donc la création de divers équipements : routes (notamment toute une portion de rocade), groupes scolaires, un centre commercial, différents services publics (PTT , EDF, etc.), un centre social, des équipements sportifs et de loisirs et des équipements cultuels.
A terme, la ZUP doit pouvoir accueillir environ 10.000 habitants. Les premiers habitants arrivent dès la fin des années soixante.
Construction de la rocade en 1968.
Certaines voix expriment leurs réticences face au choix architectural de l'habitat collectif. Mais c'est bien ce type de construction qui sera majoritairement représenté dans la ZUP. Ce choix est imposé par le caractère restreint des surfaces constructibles et la volonté de conserver des espaces verts. Par ailleurs, l'on souhaite respecter la topographie du lieu en construisant des immeubles de taille décroissante, qui offriront tous une vue dégagée.
Enfin, la municipalité Goraguer souhaite ainsi pouvoir garantir sur le long terme la modération des loyers à Quimper.
A la lecture d'articles de presse parus durant les années 60, on s'aperçoit de ce que devait être la ZUP de Kermoysan dans l'esprit de ses promoteurs. Les journaux parlent d'une « cité dans la cité », de « Quimper bis », ou encore de « ville nouvelle ».
En 1968, le maire Léon Goraguer estime que la ZUP deviendra « un joyau de la Ville de Quimper ». Les travaux sont spectaculaires « les immeubles poussent comme des champignons », dit le maire, et l'on s'imagine une cité ultra-moderne, dotée de tout le confort possible, offrant à la vue une « ligne claire d'élégants buildings »...
Aujourd'hui, une grande opération de rénovation du quartier est enclenchée et la tour de l'Ile de Man est en cours de démolition.
En effet, comme dans beaucoup de ZUP françaises, des problèmes se sont rapidement posés à Kermoysan. Certains d'entre eux avaient d'ailleurs été soulevés dès l'enfance du projet.
Vue générale de la ZUP au début des années 70
Les grands immeubles, dont l'extérieur est par nature difficile à entretenir, vieillissent vite.
De plus, le site etant particulièrement venteux et les techniques d'isolation laissaient à désirer, les habitants furent parfois confrontés à des infiltrations d'eau de pluie.
Des programmes de rénovation furent régulièrement entrepris depuis les années 1970.
La nécessité de construire des équipements collectifs était bien définie dès la création du Grand Quimper en 1960. A Kermoysan cette situation allait imposer à des milliers de nouveaux quimpérois de vivre ensemble dans un nouveau quartier dont l'identité restait à construire.
La priorité allant à la construction des logements, certains des équipements prévus ne furent réalisés que tardivement. Vue générale de la ZUP en 1973.
Mais, le quartier souffrit assez vite d'une mauvaise image. Pourtant, par comparaison avec d'autres ZUP françaises, la cité de Kermoysan a toujours connu très peu de phénomènes de délinquance juvénile, de drogue ou de racisme.Ce manque d'équipements accentua le sentiment d'isolement que ressentit une partie des zupiens. Une enquête réalisée en 1983 révélait que 40% des habitants de Kermoysan ne connaissent pas leurs voisins. Pour beaucoup, la vie dans la cité n'était qu'une étape transitoire avant l'accession à une maison individuelle.
Néanmoins, les problèmes sociaux ou de chômage se concentrent dans cette cité plus que dans les autres quartiers quimpérois.
Plan de Quimper : en rouge, la ZUP de Kermoysan.La réalisation de la ZUP a eu cependant des aspects très positifs puisqu'elle a permis à des milliers de personnes d'accéder à des logements spacieux, confortables et peu onéreux.
Plusieurs études indiquent d'ailleurs que les habitants dans leur majorité sont satisfaits de leur intérieur. Des témoignages recueillis dans divers journaux montrent aussi que beaucoup se sont sentis heureux dans leur quartier.
En 1997, 85% des deux cents habitants sondés par l'OPAC pour les besoins d'une enquête disent aimer leur quartier (Source : La Passerelle, journal du quartier de Kermoysan).
Cette enquête révèle également que désormais le quartier de Kermoysan possède sa propre identité.
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