Au sortir du Moyen-Age, la ville est, par le nombre d'habitants, au quatrième rang des villes bretonnes, derrière Rennes, Nantes et Dinan.
Malgré les atteintes répétées de la peste, du typhus et de la dysenterie, souvent amenées par les équipages des navires accostant au port de Brest, la population s'accroit jusqu'à atteindre 9054 personnes à la fin du XVIIe siècle, ce qui constitue un maximum pour la période d'Ancien Régime. Les classes populaires offrent, en période de pénurie, un terrain favorable aux épidémies. 75 à 80% des Quimpérois sont concernés : domestiques, gens des métiers de bouche ou petits artisans . A Quimper, comme pour l'ensemble de la Bretagne, l'ampleur des crises démographiques n'atteint pas les dimensions observées dans le reste du royaume. Les exclus sans ressources, peu nombreux : invalides, orphelins, enfants trouvés ... sont recueillis dans les hôpitaux Saint Antoine et Sainte Catherine.
Hormis l'existence de quelques orfèvres de talent ou « de tailleurs d'images », l'artisanat n'offre guère de particularité notable. Les tailleurs, cordonniers, selliers ... réunis dans les corporations se côtoient place Toul-al-Laer ( laer = cuir ), rue des Etaux, rue des Fèvres ( orfèvres ) ou Place au Beurre. Ils voisinent avec les bourgeois. Accéder à ce statut quand on est fils de boutiquier n'est pas impossible. Les réussites, celle de Elie Fréron, dont le père est orfèvre, devenu écrivain de renom ou celle de René Madec, issu d'une famille de petits bouchers, accédant au titre de « nabab » des Indes, au XVIIIe siècle pour les deux, restent cependant des exceptions.
Si elle s'atténue, du fait du rattachement de la Bretagne à la France en 1532, la dualité des pouvoirs, écclésiastique en la ville close, ducale au-delà et surtout vers l'ouest de la ville, perdure quelque peu.
Désormais le roi-duc est représenté en sa province par un gouverneur. Les ducs, fussent-ils de la maison de Cornouaille, n'ayant guère résidé au « Petit château », ce qui change tient aux effets locaux de la politique, intérieure et extérieure, du royaume.
A l'intérieur de la ville close l'évêque exerce toujours la juridiction, dite des réguaires, écclésiastique et civile. Les prélats sont gens de cour autant que d'Eglise. Au XVIe siècle, ils ne séjournent que par intermittence à Lanniron, leur manoir de campagne ou en leur palais de ville.
Le fastueux Claude de Rohan fait pourtant élever, à l'aube du XVIe siècle ( 1507-1518) un logis qui, par ses formes architecturales inédites et novatrices est de transition entre le style gothique flamboyant et l'art de la Renaissance. C'est un des édifices les plus remarquables construits en Bretagne à cette époque.
La défaillance des évêques ajoute à l'importance du vicaire général et surtout des chanoines du chapitre cathédral établis en ville dans des maisons prébendales. Les revenus de l'une d'entre elles sont affectés à l'instruction. A l'école de la psalette, première véritable école de la ville, l'enseignement est, semble-t-il, de médiocre qualité.
Peu touchée au départ par les guerres de religion, la province est secouée par un épisode qui s'y rattache. Le duc de Mercoeur, désireux de profiter de la guerre civile pour se tailler une principauté en Bretagne, se range, contre le roi, dans le camp des ligueurs. Quimper est de ce parti. Le chanoine Jehan Moreau, témoin et acteur de la lutte dresse dans ses mémoires un saisissant tableau de cette époque troublée. Sièges, coups de mains, révoltes paysannes se succèdent. La ville résiste mais, en 1594, elle doit se rendre au marquis d'Aumont, commandant en chef en Bretagne. Les malheurs de la ville durent : la peste sévit, le logement imposé des gens de guerre est une charge très lourde, le tristement célèbre brigand Guy Eder de la Fontenelle échoue à deux reprises dans ses tentatives pour investir la ville close, il saccage les faubourgs.
Au terme de ces années noires, le rempart est endommagé, les hôpitaux détruits, le palais épiscopal partiellement incendié, la terre-au-duc dévastée. Le coût de la reconstruction sera élevé.
On restaure le mur de ville, mais son utilité militaire a disparu et les Quimpérois en négligent l'entretien. La muraille s'effondre à hauteur de l'évêché et aux abords de la porte Médard. Au XVIIIe siècle on démolit la plupart des portes fortifiées. Maisons et jardins des bourgeois s'appuient au rempart et débordent sur le mur en parfaite illégalité.
L'ingénieur André, chargé en 1764 d'étudier un plan d'aménagement urbain, ne peut que constater le pitoyable état de l'enceinte.
Ici, comme ailleurs dans le royaume, la place et le rôle de l'Eglise sont profondément modifiés par la mise en œuvre de la réforme tridentine. Les prélats, aux XVIIe et XVIIIe siècle, sont dans l'ensemble plus présents, certains (les évêques de Ploeuc, Farcy de Cuillé et Conen de Saint Luc par exemple) ont laissé le souvenir de bons administrateurs et de pasteurs zèlés.
François de Coëtlogon fonde, en 1669, un séminaire sur la colline de Creac'h Euzen. Il soutient activement les missions des pères jésuites. Il enrichit le patrimoine épiscopal, à Lanniron, par l'aménagement d'une orangerie, la construction d'un canal et le dessin de somptueux jardins, les plus beaux de la Cornouaille.
Le modèle de Lanniron inspire l'établissement le long de l'estuaire de l'Odet, de petits châteaux de plaisance qui contribuent au charme des environs de Quimper.
Par lettres patentes de Louis XIII, en date de 1621, les Jésuites sont autorisés à fonder un collège à Quimper. Leur empreinte sur les mentalités, notamment celle des élites, est forte jusqu'à la dissolution de l'ordre en 1762. En deçà du rempart nord, sur l'emplacement des jardins du chapitre, la construction du collège, sur les plans du père Guernisac, se poursuit jusqu'à 1656. Les plans de la chapelle sont dus au frère Turmel disciple de Martellange. Ils s'inspirent de l'église romaine du Gesú. Son achèvement requiert 82 années de travaux intermittents ( 1666-1748 ) !
Autre domaine important de l'œuvre des Jésuites de Quimper: les missions et retraites. Michel le Nobletz, prêtre séculier avait entrepris la réévangélisation des villes et campagnes où la pratique religieuse était en régression. Pour s'adresser aux fidèles , majoritairement illettrés, il imagine des « tableaux de mission » ( taollenou) images expressives et symboliques qu'il assortit d'un commentaire. Le jésuite Julien Maunoir, son disciple, continue, développe et perfectionne la méthode. L'usage des « taolennou » se prolongera en certains lieux du Trégor, du Léon ou de la Cornouaille jusqu'au début du XXe siècle.
Conséquence et cause à la fois de la réforme catholique, la multiplication des ordres religieux se traduit par une véritable fièvre de construction sur les vastes espaces demeurés libres à l'ouest de la terre-au-duc. Sur 45 ha, six enclos s'organisent autour des couvents des Capucins, des Ursulines ( future médiathèque), des Cordelières, des Dames de la Retraite ( actuels services départementaux de gendarmerie) et des Calvairiennes. Ils ( ou elles ) ont vocation missionnaire ou d'enseignement. Chez les Ursulines les jeunes bourgeoises, près des Cordelières de Kerlot les filles nobles recoivent quelques rudiments de culture générale.
Le souci de renouveau post-tridentin se communique aux Bénédictines de Locmaria. L'abside romane cède la place à un vaste chœur, les bâtiments conventuels sont reconstruits vers 1650 pour une aile, vers 1750 pour l'autre.
Si, à la « banlieue des cloîtres » on ajoute le Séminaire de Creach' Euzen, le collège jésuite, l'antique couvent des Cordeliers, les demeures épiscopales, les maisons prébendales des chanoines et les hôpitaux, on mesure l'importance de l'emprise foncière et immobilière du clergé sur la ville.
Durant les trois siècles de l'Histoire dite moderne on assiste à des glissements significatifs dans la répartition des pouvoirs dans la cité. Ils favorisent l'émergence d'une oligarchie de petite noblesse et de bourgeoisie moyenne.
Initialement très dépendante de l'évêque, la Communauté de ville s'affranchit de sa tutelle et « tient chambre » à l'étage de la chapelle du Guéodet. La ville était déjà siège d'une sénéchaussée, devenue siège d'un présidial, son rayonnement s'accroit et de nouveaux offices alimentent le monde de la basoche.
Qu'ils soient civils ou judiciaires, les pouvoirs se concentrent entre les mains des membres de quelques familles : les de la Motte, Moean, du Liscoët , le Prestre de Lézonnet ...
Avec les détenteurs d'offices royaux, les marchands constituent l'élite de la cité. L'activité économique est réduite et le trafic du port peu important. Malgré tout une classe de marchands parvient à une très honnête aisance. La plus belle ascension de l'époque est peut-être celle des membres de la famille Bousquet. Elle entraine la transformation et l'exemplaire développement de la paroisse de Locmaria. La ville est, grâce à eux, dotée de sa plus emblématique fabrique qui, trois siècles plus tard reste un de ses plus beaux fleurons : la faïencerie. Quand Jean Baptiste Bousquet arrive de sa Provence natale, il est simple potier modestement installé en lisière du Prieuré des Bénédictines . Quand décède – en 1749 -son fils et successeur Pierre, la fabrique existe et prospère, son successeur Pierre Clément Caussy développe encore l'entreprise, il emploie 80 ouvriers et jouit d'un important patrimoine foncier et immobilier.
Le XVIIIe siècle ne s'achève pas sans nouveautés dans ce domaine puisque, toujours à Locmaria, François Eloury fonde une deuxième faïencerie en 1772 et Guillaume Dumaine une troisième en 1791.
Tous relatifs soient-ils, le développement économique et la croissance démographique requièrent logements nouveaux et aménagements urbains.
Commerçants, officiers de justice ou chanoines se font construire des demeures, à la manière traditionnelle, à encorbellements, en pans de bois et torchis sur soubassement de pierre ou, parfois, et de plus en plus souvent au fil du temps, en pierre de taille, pour les notables les plus fortunés.
L'attrait de la ville se mesure au nombre des hôtels particuliers que font édifier les Furic du Run, Alleno de Saint-Alouarn, de Ploeuc, du Haffond ... qui possédent un domaine seigneurial respectivement à Keranmaner en Kerfeunteun, Guengat, Guilguiffin en Landudec et Lestriagat en Tréfiagat ...
Le rayonnement sur les campagnes environnantes s'accentue encore grâce à l'acquisition de domaines ruraux par les bourgeois. Sur les terres achetées ils bâtissent des maisons de plaisance : Cresmarc'h, la Palue, Prat-Maria, La Tourelle ... qui dessinent autour de la ville une couronne de manoirs.
La terre-au-duc un temps dévastée par les guerres et le brigandage se repeuple. Le faubourg Saint-Mathieu s'étoffe. A l'opposé, le secteur de la rue des Réguaires s'allonge. La construction de deux nouveaux ponts améliore les conditions de circulation, les quais du port sont prolongés vers l'aval, ce qui incite un certain nombre de négociants à faire construire des demeures cossues en bordure de la chaussée qui longe la rivière.
Une autre partie de la richesse est concentrée dans les rues Kéréon, des Gentilhommes et Saint-François où résident gens d'épée et de robe ainsi que les commerçants les plus importants.
La ville a hérité du Moyen-Age une organisation anarchique. Il y règne une grande insalubrité. Des améliorations sont nécessaires : comblement des zones humides et plantations ( le Champ de Viarmes, actuelle Place de la Résistance – le Parc Costy, devenu rue du Parc ). On reporte hors de la ville close le marché aux bestiaux : un régiment suisse remblaie l'espace qui jouxte le rempart nord pour l'accueillir dans de meilleures conditions.
L'Ancien Régime ignorant le principe d'expropriation seules les catastrophes permettaient des transformations de quelqu'ampleur. Dans la nuit du 17 au 18 juin 1762 le feu prend dans une boutique de la rue Kéréon contenant sucreries, soufre, résine, huile, cire et autres matériaux tout aussi inflammables. La plupart des maisons de ce quartier sont en bois, le temps est chaud et sec, le feu s'étend. Douze jours plus tard le feu n'est pas entièrement éteint, neuf maisons sont détruites, six autres sont endommagées .
Deux années plus tard l'ingénieur André est chargé d'établir un premier plan d'urbanisme et d'alignement des rues étroites et insalubres. Seul le tracé de la rue Kéréon sera rectifié, on y construit des maisons dotées de façades de pierre.
A la veille de la Révolution la vie intéllectuelle porte fortement la marque des Jésuites. La pénétration de l'esprit des Lumières s'en trouve freinée. L'élite intéllectuelle reste très restreinte. La culture est l'apanage des membres masculins de trente à quarante familles. Quant à la gent féminine, elle n'en reçoit que des rudiments, si Anne Marie Audouyn-de Pompery, la « Sévigné bretonne » manifeste du goût pour la musique et les lettres, elle le doit beaucoup aux compléments que son père apporte à l'enseignement des religieuses de Kerlot. Rares sont ceux qui étendent le champ de leurs connaissances en dehors du domaine, théologique, juridique, médical ... qui est celui de leur pratique professionnelle. Jean-Hervé de Silguy, le chanoine de Boisbilly, esprits curieux et libres aux lectures éclectiques font figure d'exceptions. D'une façon générale les sentiments catholiques restent très ancrés et la plupart des familles de notables fournissent à l'Eglise prêtres et religieuses. Il arrive que ce soit dans les mêmes familles que se recrutent les membres des deux loges maçonniques « l'Heureuse Maçonne » et « La Parfaite Union » ainsi que les adhérents de la « Chambre de Lecture », annexe de la seconde. Le mouvement physiocrate fait des adeptes. Ses membres adhèrent à la Société d'Agriculture et des Arts en Bretagne.