Pour la première fois, le Musée de Pont-Aven et le musée des Beaux-Arts de Quimper s’associent pour présenter une exposition inédite sur Vivian Maier en Bretagne, sur deux lieux, avec près de 250 photos.
Vivian Maier (1926-2009), d’origine française et austro-hongroise, voit le jour à New York. Dans sa jeunesse, elle séjourne à plusieurs reprises en France. C’est à l’âge de 25 ans qu’elle devient gouvernante d’enfants à New York, puis à Chicago jusqu’en 1990. Elle meurt dans la pauvreté et la solitude au printemps 2009.
Son corpus photographique est découvert à la fin 2007 par John Maloof, agent immobilier qui décèle alors les qualités de l’artiste, restée anonyme toute sa vie. Peu à peu se dévoile un œuvre incroyablement riche et original constitué de plus de 120 000 images photographiques, de films super 8 et 16 mm, d’enregistrements divers, de photographies éparses et d’une impressionnante quantité de pellicules non développées.
Depuis la diffusion de ses clichés et films, il y a une dizaine d’années, Vivian Maier est devenue, malgré elle, l’une des plus grandes photographes de la « street photography » au même titre que Diane Arbus, Robert Frank ou encore Helen Levitt ou Garry Winogrand.
Homogène et structuré, l’œuvre de Vivian Maier s’articule autour de thèmes récurrents qu’elle explore à loisir.
Au cœur de ses préoccupations originelles, les scènes de rue de New York puis de Chicago, les quartiers ouvriers foisonnent : elles sont à découvrir au musée des Beaux-Arts de Quimper.
Elle immortalise en une fraction de seconde
des instantanés de vies de parfaits inconnus, d’anonymes avec lesquels elle partage une destinée et une humanité communes. Des gestes, des détails, un regard, une situation, rien n’échappe à son Rolleiflex qui lui permet de rester discrète. Le monde de l’enfance, dont les sujets abondent, l’inspire et imprègne son travail.
La rue lui offre aussi des échappées vers le monde stylisé du formalisme. Les architectures de New York et Chicago forment alors la trame d’un vocabulaire urbain dans lequel Vivian Maier exerce son regard acéré. Plusieurs de ses clichés dévoilent ainsi l’extraordinaire agilité d’une artiste capable d’aborder des registres très variés.
À Pont-Aven, l’autoportrait, véritable leitmotiv chez Vivian Maier et jamais exploré en France dans son intégralité, est à l’honneur, incarnation de la quête éperdue de sa propre identité. Se dédoublant, Vivian Maier mêle subtilement jeux d’ombres et de miroirs,
de réflexion(s) sur elle-même, maniant avec une grande habileté les angles, les détails, la lumière et les cadrages.
Ces autoportraits interrogent : ne sont-ils pas pour elle un moyen d’exprimer son rapport au monde, de mettre en scène sa personnalité tout en se rendant énigmatique ?
Réduite à une forme d’invisibilité, voire de négation sociale, elle tente malgré tout de garder trace
de son existence dans un monde inadapté à sa personne… ou l’inverse.
Déclinés en de multiples variations et typologies, ses autoportraits forment un langage en soi,
une codification complexe intégrée à son œuvre global. Six autoportraits totalement inédits et spécifiquement choisis par Anne Morin, commissaire scientifique de l’exposition, sont présentés au Musée de Pont-Aven.
En noir et blanc dans ses débuts, sa pratique photographique intègre la couleur à partir des années soixante conférant un caractère très novateur à son travail.
Curieuse et avide de nouveaux moyens d’expression, Vivian Maier s’essaie au cinéma, avec sa caméra super 8 ou 16 mm. Elle fixe la circulation de son regard dans l’espace grâce à la caméra, à la recherche d’un cadrage ou d’une scène photographique.
Scènes de rue
Découvrir ces images marquantes des grandes métropoles américaines, c’est entrer au cœur du cheminement artistique de Vivian Maier : les rues des quartiers populaires de New York et Chicago forment la trame d’un récit qui précise les contours d’un autre monde, un monde dur et parfois tendre qui existe en marge du rêve américain.
Vivian Maier aime photographier la multitude anonyme de la rue, ses excentricités. Elle saisit les humeurs des passants, s’attardant sur leurs mimiques, leurs accoutrements ou leurs occupations. Ses instantanés découvrent souvent une beauté inattendue et révèlent parfois des détails qui lui permettent d’approcher l’intimité de ces vies anonymes. Excluant la recherche du sensationnel, elle préfère photographier la banalité des « petits riens » du quotidien : un détail, un geste, une attitude, l’équilibre précaire d’un instant. Les inconnus, les anonymes peuplent son univers. Lorsqu’elle les approche, Vivian Maier sait se placer au meilleur endroit, choisissant toujours l’angle parfait. Elle maîtrise à la perfection la distance qui sépare son objectif du modèle photographié. Ce rapport à l’espace guide toute sa démarche artistique, révélant une science du cadrage qui souligne son originalité.
Formalisme
Les photographies réunies dans cette section dévoilent une facette différente de l’ambition artistique de Vivian Maier. En effet, ce sont surtout les scènes extraites de la réalité quotidienne qui ont bâti sa récente popularité et ont permis sa redécouverte. Mais, à rebours d’une démarche qui privilégiait ambiances de rue, portraits, paysages, etc., il existe aussi un ensemble significatif de clichés qui tendent vers une stylisation et une géométrisation des formes. À l’évidence, Maier maîtrise parfaitement les codes esthétiques du formalisme : son souci de cadrages originaux, son aisance à jouer pleinement des vides et des pleins, à juxtaposer les ombres et les lumières, à entraîner le réel vers l’abstraction, ouvrent un autre chapitre dans le parcours de cette photographe très complète.
Enfance
Exerçant le métier de nourrice, Vivian Maier a très tôt développé une curiosité bienveillante pour le monde de l’enfance. Tout au long de son parcours photographique, elle a élargi cette thématique, lui attribuant une place importante dans la construction de son œuvre : ce sont donc les enfants qui imposent leur présence, qu’ils apparaissent isolés, absorbés dans leurs jeux ou bravant l’objectif de l’appareil photographique. En parallèle, Vivian Maier a également multiplié les prises de vue où l’enfant côtoie l’adulte, mettant en exergue la convergence de leurs univers pourtant si souvent éloignés.
Naturellement, les enfants qui lui ont été confiés sont devenus ses modèles et parfois, de précieux « complices ». Non seulement, ils l’accompagnaient dans ses longues déambulations urbaines, mais surtout, leur créativité dans le domaine des jeux ou de l’imaginaire aura été une source permanente d’inspiration.
Portraits
Cette section, réunissant surtout des visages juvéniles ou âgés, souligne l’importance que Vivian Maier réserve à l’art du portrait, discipline essentielle dans le monde de la photographie.
En œuvrant comme portraitiste des habitants de New York et Chicago, Vivian Maier affirme ses goûts autant que ses préférences : portraits de femmes, de personnes âgées, de déshérités. En pratiquant le portrait, elle cherche aussi à se rapprocher de cette humanité populaire à laquelle elle s’identifie. Plusieurs clichés sont le fruit d’une véritable rencontre entre la photographe et ses modèles. Les visages apparaissent de face, en plan rapproché et exercent une fascination magnétique par l’expressivité de leurs regards. Parfois, elle privilégie l’instantané, celui des « instants dérobés » qui captent la magie d’une rencontre fortuite.
Son attitude peut être diamétralement opposée lorsqu’elle croise l’univers sophistiqué de la mode et des classes supérieures. Affichant une certaine hostilité, elle n’hésite pas à bousculer la personne qu’elle photographie, déclenchant en retour une animosité qui brise les cadres de la bienséance.
Couleur
Vivian Maier aborde la photographie en couleur dès le début des années soixante-dix. Le passage à la couleur s’accompagne d’un changement de pratique puisque la photographe travaille désormais avec un Leica. L’appareil est léger, facilement transportable ; la prise de vue est directement effectuée à la hauteur du regard (contrairement au Rolleiflex qu’elle utilisait jusqu’alors). De ce fait, Vivian Maier se rapproche des modèles qu’elle photographie et s’approprie une vision du monde dans sa réalité colorée. Son écriture de la couleur reste toutefois singulière et libre, voire ludique. Elle explore les spécificités du langage chromatique avec une certaine légèreté, élabore son propre vocabulaire mais, surtout, s’amuse avec le réel : soulignant des détails stridents de couleur, pointant les dissonances bigarrées de la mode ou jouant avec les contrepoints chatoyants.
Films super 8
Les extraits de film Super 8 diffusés dans cette exposition nous permettent de suivre le regard de Vivian Maier et la façon dont elle approche un sujet et le cadre. Dès 1960, elle commence à filmer des scènes de rue, des événements et des lieux. Son regard cinématographique est étroitement lié à son langage photographique ; il s’agit d’une expérience visuelle, d’une observation subtile et silencieuse du monde qui l’entoure.
Vivian Maier filme tout ce qui peut la conduire à une image photographique : elle observe, s’arrête intuitivement sur un sujet et le suit. Évitant de s’approcher, elle le zoome, se concentrant sur une attitude ou un détail, comme les jambes ou les mains des personnes au milieu d’une foule. Le film qui en résulte est tout à la fois un documentaire et une œuvre contemplative.
Visites guidées
Informations pratiques
Plein : 5 € / Réduit : 3 €
Entrée gratuite pour les -12 ans
→ février - mars : ouvert tous les jours (sauf le mardi et le dimanche matin) de 9h30 à 12h et de 14h à 17h30
→ avril - mai : tous les jours (sauf le mardi) de 9h30 à 12h et de 14h à 18h